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336 CHRONIQUE LOCALK. — D'autres débuts ont eu lieu, mais en petit comité, en famille, pour ainsi dire , ce n'est pas une raison pour que la Revue se dispense de saluer un succès charmant e t , qui sait? peut-être un bridant avenir. Le samedi au soir, 27 septembre, dans une salle assez vaste de la rue Sainte-Catherine, une réunion trop peu nombreuse était appelée à vérifier si les journaux de Genève et de Vichy n'avaient point surfait la vérité en proclamant que le jeune Besse des Larzes, âgé de quatorze ou quinze ans, était un improvisateur de mérite et que sa sœur, grande virtuose de dix ans, était une harpiste consommée. Par le plus grand des hasards, un des vétérans de la presse parisienne, un de nos journalistes les plus aimés, se trouvait parmi les spectateurs. Le jeune Besse s'avance. On lui donne un sujet, et voilà que les vers coulent avec une facilité charmante, un à -propos parfait et souvent un trait qui soulève les applaudissements. Après lui, sa sœur paraît. Elle se hisse sur un tabouret qui lui fait perdre terre, attire à elle le redoutable instrument qui la cache presque toute entière, arrondit ses bras et attaque avec une audace qui la grandit de vingt années. Sous ses petits doigts, les cordes vibrent avec fureur, puis le sentiment fait place à l'énergie ; la phrase est sentie, modulée avec habileté et le public est étonné de ce goût artistique si développé, comme de cette puissance incon- cevable chez une si faible enfant. Le jeune poète revient, on lui donne à traiter Charlemagne, Victor Hugo, la Séparation ; un de nos amis demande Les Embellissements de Lyon, et à chaque sujet, le jeune inspiré se re- cueille , réfléchit quelques secondes et, le visage animé par la poésie, jette ses vers d'une voix lente, sans que jamais la pensée fasse défaut, sans que jamais la rime, cette esclave si souvent indocile, tarde à se ranger à la place qu'elle doit remplir. Sa sœur alterne avec lui, et les applaudissements vont de l'un à l'autre. Nous trompons-nous ? peut-être avons-nous vu l'au- rore de deux grands artistes. Puîssent-ils se souvenir, quand ils auront conquis la gloire, que leur pays n'a point été ingrat et qu'on a su les devi- ner alors qu'ils n'étaient que deux enfants. — La gloire ! quel est ce mot ? est-ce la renommée ? est-ce le bruit que font les journaux ? est-ce la commande par les gouvernements ou les riches particuliers d'œuvres d'art couvertes d'or ? est-ce le mouvement de tète si- lencieux du connaisseur lorsqu'on prononce un nom ? je ne sais. Quoi qu'il en soit, toutes les feuilles de notre ville ont annoncé que M. Rouhaud ve- nait de terminer ses deux statues monumentales, la Force et la Justice, destinées à décorer le Palais-dc-Juslice de Lyon. Aujourd'hui les journaux du département de l'Ain nous préviennent que l'illustre artiste est venu se reposer au sein de son pays natal. Si ce n'est pas de la gloire, il me semble que cela doit fort en approcher. A. V . — Nous avons eu à enregistrer, la semaine dernière , aux Célestins, le très-remarque début d'une toute charmante enfant, de Mlle Georgelte Vernet. C'est l'esprit et la grâce en personne , rendus plus séduisants encore par je ne sais quelle candide inexpérience d'adolescente. Tout l'avenir d'une brillante Déjazet se devine sous ce jeune corsage ; et Mlle Georgette appartient à une famille où ces sortes d'engagements ne sont pas de vaines promesses. Une piquante série de travestissements nous l'a mon- trée sous les traits de petits-cousins venant se jeter à travers les jambes d'un malencontreux futur que sa fiancée voudrait bien éconduire. L'attaque est décisive, et le fâcheux à l'instant mis en fuite. Mais que notre jolie soubrette ne s'aveugle pas sur ce succès. Pour un prétendu qu'elle a su mettre à la porte , j'en connais vingt tout prêts à revenir par la fenêtre. P. D. Aimé VINOTRINIEH, Directeur-Gérant.