Revue du Lyonnais » série 2 - n°19 ( 1859 ) » pp.452

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  vue de cette nef étroite et nue, de ces petites chapelles dont
 la pieté des fidèles n'avait encore pu voiler la misérable pauvreté,
 le grand personnage s'arrêta. N'osant, dans son humilité, monter
 jusque vers l'autel, il s'agenouilla humblement à la hauteur de la
 troisième chapelle d'une architecture bizarre et plus dénudée que
 le reste de l'église ; là, le front dans ses mains, il pleura sur tant
 d'églises dévastées, tant de populations décimées, tant de dou-
 leurs mal éteintes ; il pleura sur la France déchirée par le
 schisme et la guerre, sur la Savoie ébranlée et si mal conseillée,
 qu'on l'avait choisi, lui indigne, pour défendre les intérêts de
  son pays devant Henri le Grand , victorieux. Puis, comme c'était
 un grand cœur, il se releva plein de fermeté et de foi, résolu à
 bien faire et à servir selon la mesure de ses forces son Dieu,
 son souverain et son pays. Rasséréné, l'inconnu se leva, sortit de
 l'église et sourit aux pauvres habitants du village, qui se pressaient
 autour de lui pour le voir. Quelques années après il revenait,
 mais dans un cercueil. Pendant une nuit entière il reposa dans
 cette chapelle où il avait prié à son passage, et les populations
 accourues se pressèrent autour de l'église cl s'agenouillèrent
 devant le convoi, car on disait que François de Sales, évêque
 et prince de Genève, était un grand saint devant Dieu, lui qui
 s'était trouvé si petit devant les hommes.
    Une tradition qui s'est religieusement conservée dans le pays,
prétend que ce fut dans la modeste auberge, à l'angle de la
place, que le saint voyant dans sa chambre un feu ardent dont il
n'avait nul besoin, au lieu de se plaindre des soins exagérés
qu'on prenait de sa personne, dit avec son inaltérable tranquil-
lité d'âme, ce mot si simple et si célèbre, que le feu est bon en
tout temps.
    Pour terminer ce qui concerne l'illustre évêque , ajoutons
qu'une de ses petites nièces venait, quelques années plus tard,
se marier et se fixer à Saint-Denis, et que la chapelle la plus
fréquentée de la pauvre église, est celle où le grand saint a
pleuré et qui porte son nom aujourd'hui.
    Cependant, et pour retourner un peu dans le passé, la terre
seigneuriale n'était plus que d'une faible valeur. Claude de la