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396 sÉjoua DK PIGALLU À LXOJS. être brillante, il se fit un scrupule de partir sans payer à la charitable fille de Lyon ce qu'il lui devait : « Je n'ai pas d'argent « à vous donner, dit-il, mais voici ma statuette chérie ; c'est « ma fortune d'artiste ; c'est mon trésor. Gardez-le, c'est un « gage. Bientôt j'aurai gagné de quoi le racheter ; d'ailleurs, si « je venais à mourir , qui vous payerait ? Prenez, prenez , cela « vaut de l'or. » Malgré le refus de l'ouvrière , il lui remit le modèle précieux et se prépara à partir pour Paris. La bonne voisine, pour faciliter ce voyage, avait fait une quête dans tout le quartier. Elle n'était pas artiste, mais elle avait l'intelligence du cœur. Elle sentait bien le tort qu'allait faire à son protégé la délicatesse de sa conscience. Pendant que Pigalle faisait ses adieux à la ville où il avait reçu l'hospitalité du travail, elle court chez un négociant, l'un de ces hommes riches et généreux, que la Providence met çà et là sur la route du pauvre, comme un rayon de bon soleil sur celle du malade. Elle lui confia l'Iris- . toirc du jeune voyageur, son talent et sa misère, sa maladie, et le peu qu'elle a fait pour lui, et les scrupules de son jeune ami, et les conséquences qu'elles peuvent avoir. « Venez, lui dit-elle, « venez voir sa statue ; c'est très-bien, il me l'assure et il est « incapable de mentir. » Le négociant la suit. Artiste comme tous les enfants de Lyon, il admire l'œuvre, et sans attendre Pigalle, il remet à la bonne ouvrière ce qu'on lui doit : il ajoute des frais de route pour son client, puis il disparaît (1). Nous ignorons le nom des héros de cette histoire ; mais Dieu les con- naît et s'en souviendra. Pigalle les sut, jamais il ne-les oublia.... Il partit et ce ne fut pas sans regretter Lyon , la vieille cité , la reine de l'industrie française, la mère des hommes de cœur, des patriotes fidèles aux traditions nationales, la capitale du christianisme dans les Gaules. P. TAr.BE. La Vie et les Œuvres de Jean-Baptiste Pigalle, ehap. III. (1) Éloge de Pigalle , Mopiuot, p. 5. — Suivant une autre version, te no l'ut qu'après le départ de Pigalle, que le négociant lyonnais, averti de sa détresse, racheta son gage el le lui renvoya.