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394 SÉJOUR DE PIGALLE A LYON. souvenir. Prêtres, artistes, historiens, ne peuvent dire ce que sont devenues les œuvres d'un homme, obscur quand il vint au confluent du Rhône et de la Saône, célèbre dès qu'il l'eut quitté pour les rives delà Seine. S'il fût venu vingt ans plus tarda Lyon, les moindres coups de ciseau donnés de sa main, eussent été notés et on eût pleuré la chute de chaque fragment de ses œuvres. Il y arriva sans nom, il en partit sans nom ; on n'eut pas même la peine d'oublier un artiste qu'on n'avait pas connu. « Si les Lyonnais ont oublié les premiers travaux de Pigalle, il est quelques circonstances de sa vie dans leur ville, dont l'his- toire a gardé le souvenir. Elles font connaître l'homme et ceux au milieu desquels il vivait alors. « Ces sculptures, aujourd'hui sans vestige, lui rapportaient un peu d'argent. Alors, pour la première fois, il reçut le salaire de son travail ; alors, pour la première fois, il ne dut qu'à lui- même son pain quotidien. Les faits qui lui rappelaient ses premières recettes, étaient pour lui d'agréables sujets de con- versation. Un jour, et il aimait qu'on lui en rappelât la mé- moire, on lui avait remis douze louis à compte sur son salaire. C'était pour lui somme importante, la plus importante peut-être dont il eût encore pu disposer. Joyeux d'une pareille aubaine, fier d'avoir assuré son existence 'pour quelque temps, il se pro- menait le front haut sur les rives du Rhône et laissait son esprit errer de rêveries en rêveries. Tout d'un coup il se trouve en présence d'un léger rassemblement formé devant la porte d'une pauvre maison. Un officier public vendait W la criée le chétif mobilier d'une famille indigente, et près de là , pleuraient une femme et quelques jeunes enfants; l'époux , le père , était plongé dans une silencieuse douleur. Ce spectacle attire l'atten- tion de Pigalle : il s'émeut, s'approche, interroge un des spec- tateurs impassibles de cette triste scène, et il apprend qu'un brave ouvrier, un père de famille honnête est chassé de chez lui avec tous les siens , dépouillé du peu qu'il possède , parce qu'il ne peut payer une somme de dix louis. Dix louis, répond Pigalle, je les ai, moi! Viens, mon ami, viens chez moi, dit-il à l'ouvrier stupéfait : je le donnerai ce qu'il te manque pour