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                               BEAUX-ARTS.
L'ANCIEN HOSPICE DES INCURABLES; EAU FORTE PAR M. TTIIERRIAT.— L'EXPOSITION
               ANNUELLE DES CONCOURS DE L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS.

    Les souvenirs poétiques du vieux Lyon s'enfuient ; le temps ou le mar-
 teau les efface. Sachons donc gré aux artistes qui les avaient recueillis de
 les fixer sur le cuivre ou l'acier, et de les raviver ainsi dans la mémoire des
 nouvelles générations. Voici un petit coin de Lyon, qui a déjà changé d'as-
 pect, bien que perdu pour ainsi dire dans la mystérieuse solitude qui semblait
 devoir entourer longtemps encore d'ombre et de silence les restes de
 l'abbaye d'Ainay.
    Le sol a été abaissé de près de deux mètres pour faciliter l'accès de
plein-pied dans l'auguste basilique. Cette porte de simple communication
 qui se voit à droite et dont le caractère large et vigoureux accuse nettement
 les efforts de l'ogive pour détrôner le plein-cintre, l'architecte Follet, sans
trop se soucier de l'unité du plan de l'église abbatiale, l'accola au clocher
 de cette église, et en fit la porte de la nef latéi*ale de gauche, lorsque celle-ci
fut prolongée sur remplacement de cette masure parasite qui occupe l'angle
droit de la planche et qu'on a démolie depuis.
    L'édifice à tourelle carrée qui cache sa base derrière un massif d'arbres
plantés sur une terrasse, à l'angle delà rue Ravez, et qui portait les signes
de l'architecture du XVI e siècle, c'est-à-dire de la plus extrême période
 de l'ère ogivale, quelle pouvait être sa destination? Ainsi enclavé dans l'en-
 ceinte de l'abbaye, il devait servir au logement de quelque dignitaire ou
officier du Chapitre. De nos jours il eut le mérite de servir de refuge à la
colonie d'incurables délaissées, qu'Adélaïde Perrin avait réunie peu à peu,
qu'elle a fécondée de son dévouement sans cesse réchauffé par la passion
de la charité, et qui prospère à raison même de l'étendue des misères et
des infirmités qu'elle recueille et abrite dans son sein.
    En 1819, Adélaïde Perrin, dont le nom est populaire à Lyon, était l'hôte
familier du grand hôpital. Dans les douces effusions du cœur, lorsqu'il sait
compatir aux souffrances des pauvres malades, et qu'il dirige toutes ses
aspirations vers les moyens de fermer leurs plaies ou de relever leurs âmes
de l'abaissement moral, elle-même allait chercher un remède, un adoucisse-
ment aux douleurs et aux préoccupations de son esprit.
    Une malheureuse, perdue de ses jambes, lui dit un jour: Je ne puis
guérir ; vous me retirerez et vous aurez soin de moi — Mais non, mais non :
je ne dispose de rien. — Vous me retirerez, vous dis-je.
    De part et d'autre on résiste et on insiste à plusieurs reprises et pendant
plusieurs jours. La prudence pose des questions, des problèmes ; le zèle les
tranche, la compassion les résout, et l'infirme est emportée rue de l'Arche-
vêché (1), dans un grenier que la famille de sa protectrice a fait convenable-
ment disposer. Bientôt on s'aperçoit que la chambrette contiendrait deux
lits. On n'a pas de peine à trouver une deuxième infirme pour partager la
solitude de la première. Une troisième se présente, elle est accueillie ; mais
il faut dès ce moment recourir à la bourse d'une dame riche et fort aumônière
qui pressentant aussitôt la nécessité et la grandeur de l'œuvre naissante, la
cautionne pour ainsi dire. Les demandes d'admission augmentent : une
chambre plus vaste est louée à Saint-Georges, puis un appartement dans le
quartier d'Ainay, puis la maison que représente notre gravure. Dès le
premier jour les aumônes n'avaient cessé d'arriver par sous et deniers,

  (1) Dans Va maison dile de U Manécantem, qui lemgt1 la coiu de V&ïChe-vèché.