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120                VISITE A SANT' ONOFRIO.
    Et maintenant qu'il me soit permis d'émettre un vœu pour
mon poète bien-aimé ! ces lignes tomberont peut-être entre
des mains italiennes et seront lues par des concitoyens du
Tasse. Les Romains veulent lui élever un monument. Le
plan en est tracé, je l'ai vu, ainsi que les inscriptions re-
marquables qui doivent y être gravées. L'artiste est choisi,
l'œuvre est prête a s'exécuter. Eh bien ! mon cœur se
serre en songeant qu'on va toucher a ces restes augustes
et leur ravir l'humble morceau de marbre, la modeste épi-
taphe qui les a si longtemps recouverts.
    A son heure suprême, le Tasse dédaigna généreusement
tous les vains fastes de la tombe. Son étroite pierre raconte
cette grande leçon d'humilité catholique qu'il donna de son
lit de mort à nos vulgaires vanités. Qui pourrait dire que
les hommes en ce siècle n'ont pas besoin plus que jamais de
 semblables enseignements? Qu'on laisse donc la noble cen-
dre dans sa sépulture, d'autant plus glorieuse qu'elle est plus
 simple, proclamer la grandeur des abaissements chrétiens et
 l'éternité des palmes célestes ! Cette tombe est assez su-
 blime puisqu'on peut y prier, et qu'a travers les régions
 angéliques , le pieux pèlerin qui la visite ose envoyer
 son sympathique et fraternel souvenir jusqu'à l'immortel
 Torquato !
     Mais sur la plate-forme qui précède l'église de Sant' Ono-
 frio et domine la ville éternelle, sur ce large gazon vert,
 inoccupé, solitaire, à l'ombre des grands lauriers d'Italie,
 que la sculpture toujours dignement représentée à Rome
 élève en marbre de Paros, dans le style de Michel-Ange et
 de Phidias, la statue du poète de la croix ! C'est le dernier
 honneur que les Romains puissent rendre encore à la mé-
 moire du Tasse !
                                          Adèle GENTON.