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                             NÉCROLOGIE.                          559
ments ou de Paris. C'était son propre esprit qui lui revenait de
tous les points de la France.
    Cette préoccupation constante du style, de l'élégance et de la
grammaire, cette recherche de la grâce familière qu'on retrouve
dans les moindres lignes échappées à sa plume et qui éclataient
dans ses charmants et souvent remarquables feuilletons, cet art
de la narration, entendu à la façon moderae, qu'il avait étudié et
poussé si loin, tout cela attestait chez David des instincts d'écri-
vain très-vifs. Il comprenait trop bien tontes les finesses de la
langue écrite, et quelles lois d'unité et de variété président à la
composition d'une phrase biens faite, pour ne pas avoir nourri
toute sa vie le secret espoir qu'il lui serait un jour donné de ré-
sumer son talent et ses forces dans une œuvre d'inspiration et de
patience. N'est-ce pas là, du reste, le rêve de tous ceux qui tien-
nent une plume? On se dit qu'on finira bien par rencontrer un
sujet heureux et qu'on pourra le traiter à loisir. Mais la mort
vient. Rien n'est fait, il faut partir ; et déjà le fleuve roule im-
pitoyable, effaçant sous ses calmes ondulations les petits rico-
chets qu'y faisait, en se jouant, le feuilleton d'hier , marqué de
chiffres ironiques , jeté au gouffre et condamné à y disparaître.
   David possédait aussi un talent devenu r a r e , trop dédaigné
maintenant, celui de tourner agréablement des vers faciles, sans
prétention, dans le goût du siècle dernier, de ces vers qui, n'é-
tant pas un tourment pour celui qui les improvise, ne sont jamais
une énigme pour ceux qui les entendent. Le Salut Public de
1848 et 1849 contient de lui une série d'épigrammes qui déno-
tent en ce genre une veine heureuse et mordante. Il est
peu de personnages en vue à cette époque qui n'aient reçu de
lui un coup d'épingle. Un j o u r , notre Martial politique voulut
viser plus haut et mettre le feu aux poudres. On touchait à la
fin de 1849, année brûlante, on s'en souvient; toutes les com-
pétitions étaient en présence, tous les partis aux prises. David
eut l'idée d'écrire une Revue dans le genre aristophanesque,
très-verte, très-hardie. La pièce faite, il la porte au directeur des
théâtres qui, après l'avoir lue, demande vingt mille hommes de
troupes pour assurer la tranquillité aux abords des Célestins
pendant la représentation. Le général Gémeau promit, dit-on ,
de mettre sur pied, s'il le fallait, la garnison tout entière.
Mais le directeur, même appuyé par les baïonnettes, n'osa se
hazarder à donner la pièce dans la crainte qu'on ne brûlât son
théâtre. C'est assez dire que, dans sa Revue, David n'avait gardé
aucun ménagement. Chaque parti recevait sa part de horions
devant la justice distributive du poète. Je dois dire, pour être
vrai cependant, que s'il attaquait un peu la légitimité, un peu l'or-
léanisme, un peu tout le monde, c'est avant tout sur la républi-
que et les classes populaires encore triomphantes qu'il daubait
 d'importance et à tours de bras ; car théoriquement et pratique-
ment la république ne fut jamais ni son idéal, ni son fait.