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464 TROIS MOIS AU-DELA DES ALPES. couvent des moines grecs Basiliens, dont l'origine première remonte à l'an mille. Chassé par les Arabes de la Calabre, saint Nil en fut le fondateur. Les fresques du Dominiquin qui ornent le pour- tour de l'église rappellent les principaux traits de cette vie si pleine de charité. Dans l'un de ces tableaux, saint Nil prend quelques gouttes d'huile dans la lampe de la Vierge et oint les yeux d'un jeune enfant, qui recouvre à ce contact l'usage de la vue ; dans un autre, le saint se prosterne au pied d'une croix, seul ornement de l'effrayante solitude qu'il habite. Tout a côté Othon III fait une visite au saint ; notre grand artiste s'est peint lui-même dans la personne de l'é- cuyer qui tient la bride du coursier de l'empereur et sa maî- tresse se trouve parmi les femmes de la suite de l'impératrice. Quel mouvement, quelle vie dans ce tableau ! Le coursier hen- nit et trépigne d'impatience ; on voit qu'il est né pour le com- bat. Le front du saint Solitaire respire bien la sérénité et le calme de l'âme d'un homme de Dieu. Sous ce front pâle et plissé dorment, comme sous la froide pierre d'une tombe , les derniers orages d'une passion longtemps frémissante. Quel respect, quel pieux recueillement dans l'attitude et les gestes des illustres visiteurs ! Il y a tant de vérité dans l'expression des figures du saint et de l'empereur que l'on croit entendre ce dialogue suprême entre l'homme de l'abnégation qui a exploré tous les rivages du temps et de l'éternité et de l'homme du commandement que l'adulation des cours, les enivrements de la gloire ont com- plètement absorbé. Othon offre inutilement au pieux solitaire un emplacement pour bâtir un monastère et de grandes som- mes d'argent pour le doter. — « Si mes frères sont de véri- « tables moines, dit le religieux, Notre Seigneur ne les aban- « donnera pas, même quand je ne serai plus au milieu d'eux. » — « Demandez-moi donc ce qui vous plaira , reprit l'empe-