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410 ESTIENNE DU TRONCHET.
M. de Poncenat et d'une de ses parentes qui connaissait le fa-
rouche colonel des huguenots. On sait comment finit cette page,
une des plus tristes de l'histoire des guerres de religion. Le
baron des Adrets n'avait laissé la vie à ses prisonniers que pour
se donner le plus barbare des spectacles. Après dîner, il retourna
au château. « Les aultres capitaines et surtout Poncenat et
« Maçons, extrêmement marris de cette fureur, firent tout ce
« qu'ils purent pour l'en destourner ; mais il s'échauffa tellement
« comme tout à coup, qu'il n'y eust moyen de l'arrester ;
« alléguant que les ennemis en avoient fait cent fois autant Ã
« Orange, et que pour les brider, il falloit leur rendre quelque
« pareille (1). »
Dix-huit personnes, au nombre desquelles se trouvait l'in-
fortuné capitaine Moncelar, furent, par ses ordres et en sa pré-
sence, précipitées du sommet de la plus haute tour sur les
rochers volcaniques qui regardent la plaine du Forez (2).
« Il arriva, dit Agrippa d'Aubigné, qu'un s'estant arresté sur
« le bord du précipice, le Baron luy dist : Quoy ? tu en fais Ã
« deux fois ? — Monsieur, dit-il, je vous le donne en dix : C'est
« le seul qui eut la vie sauve en faveur de ce bon mot. »
« Des Adrets avoit un regard farouche, le nez aquilin, le
« visage maigre, décharné et marqué de taches de couleur de
^1) Histoire lamentable contenant att vrai, etc.
(2) Le nombre des prisonniers lancés du haut de la tour varie de douze
à dix-huit, suivant les différents auteurs. Il faut tenir pour vrai, ce me
semble, ce dernier nombre donné par du Tronchct, témoin oculaire.
« Le dict jour de mercredi, environ my-jour, ils firent sauter et préci-
« pi ter en bas de la tour du donjeon au jardin qui estoit à feu Monsieur
« de Jaligny, les capitaines Moncelar, Duchiez et Cunieres, estants d'auprez
« de Roanne ; un prestre (de la Madeleine) nommé messire Saulter ; le
« protonotaire Chenillat, nepveu à monsieur de Chasteaumorand ; monsieur
« de la Roche ; Estienne Marion, fils de maistre Anthoine Marion, notaire
« de Saint-Just-en-Chevalet, et aultres soldats, jusques au nombre d'onze
« ou treize. » (Manuscrit de Jean Perrin ; passage cité par M. Auguste
Bernard).