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                       ESTIENNE DU TRONCHET.                           343
    Il était du meilleur genre de dire leggiadremeni pour genti-
ment, une belle chère pour un beau visage, m'ame pour mon
 âme, m'amie pour mon amie, m'escolière pour mon écolière,
manger la menestre pour manger la soupe, bastance pour suffi-
 sance, dismentiguer pour oublier, piller patience pour prendre
patience, battre l'estrade pour battre le pavé de la r u e , sans
compter une quantité innombrable d'autres mots et d'autres
tournures bizarres, usités parmi les courtisans dans le seul but de
plaire à la reine mère et à Henri III.
    Il ne fallut rien moins que la réaction salutaire amenée, en
partie, par les Dialogues de Henri Estienne et par le bon sens
naturel de notre nation, pour affaiblir, sinon pour détruire ces
exagérations ridicules.
   Au reste, à partir de Jean Dorât et de ses disciples, la Renais-
sance, en ce qui concerne les belles-lettres fut à peu près sté-
rile. Pindariser, pétrarchiser, italianizer, amadiser, était l'unique
étude des réformateurs ; mais de parler français, c'est ce dont
ils n'eurent jamais aucun souci.
   On ne saurait nier toutefois que leurs essais n'aient attiré
l'attention sur les chefs-d'œuvres de l'antiquité. Ils n'en virent
que confusément la forme matérielle. Plus heureux, le XVII e siè-
cle en comprit la portée et l'ensemble.
   Réminiscences des romans de chevalerie, les afféteries et les
mignardises de langage durèrent jusqu'à Molière. Dans les
Précieuses, il leur donna le coup de grâce.
   Ces préliminaires, tout longs qu'ils soient, m'ont semblé in-
dispensables pour que le lecteur puisse supporter quelques ci-
tations de du Tronchet. Si elles sont dénuées de toute valeur
littéraire, elles n'en auront pas moins pour lui l'attrait de la
curiosité. Un écrivain, je le répète, qui, dans un laps de temps
de moins de cinquante années, a eu treize éditions, sans compter
celles qui ont pu échapper à mes recherches, cet écrivain, ne
iût-ce qu'au point de vue philologique, mérite assurément d'être
étudié.

in-8, 1578. Ce livre est des plus précieux pour l'histoire philologique du
français.