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258                    LETTRES INÉDITES

    II y avoit à Ste Croix, un M. Renaud qui faisoit d'assez bons
 vers, avoit une grande facilité et qui de plus etoit grand prome-
 neur et avoit des opinions très philosophiques. Pour celui la, je
 croirois volontiers qu'il est un grand patriote et qu'il a joué un
 rôle dans toutes ces affaires ci. Je le connois depuis fort long-
 temps, ayant étudié avec lui au collège du Plessis en 1769. Il me
 semble que vous êtes assez lié avec lui et que vous avez fait en-
 semble votre voyage du Havre. Et M. Briere de Surgy, autre
 pensionnaire de Ste Croix ; je crois qu'il etoit substitut à la cour
 des aides ou maîtres des comptes à l'époque de la Révolution.
 C'etoit un garçon bien né , qui joignoit beaucoup de douceur à
 «ne, grande politesse. Il me semble que voila a peu près tout ce
 qui composoit de votre temps le pensionnat de Ste Croix, car
 vous avez succédé à M. Chirat et ne vous y êtes point trouvés
 ensemble. Voila une maison décente et sure, une retraite agréa-
 ble et honnête pour un jeune homme que les affaires appeloient
 à Paris, tout à fait détruite. Je crois même qu'elle l'a été avant
 la Révolution et que les chanoines réguliers se sont éteints d'eux
même. Je vous ai entendu plus d'une fois regretter le temps de
 votre jeunesse. Quantum mutatus ab Mol et puis Paris est dif-
férent de ce qu'il etoit alors.
    Vous voyez que grâce à Ste Croix et à M. Aze je chemine lout
doucement et me voila presque au bout de ma page. Elle ne me
suffiroit pas si je voulois joindre à ces souvenirs ceux du Palais.
L'avocat Rimbert, si clair, si véhément, si expedifif, si éloquent
même à sa manière. L'avocat Virgule (l'abbé Gudin) si plaisant à
entendre, et si ridicule. L'avocat Gâteau , si lourd. L'avocatL...
si lent ; l'avocat de Bonnefoy si long, si diffus et cependant qu'on
entendoit toujours avec plaisir et qui avoit par la grâce et l'amé-
nité de son débit le talent d'endormir la critique. Et Martineau
si fier, et Treilhard, si sec et A... si sot, et Hardoin si éloquent
et qui etoit regardé comme la plus belle espérance du barreau,
lorsqu'une mort prématurée l'a enlevé ; et Target, si verbeux,
si emphatique, si fort au dessous de sa réputation. Pour Gerbier,
je l'ai toujours regardé comme le dieu de l'éloquence, un fleuve
d'or sortoit de sa bouche et ses gestes etoient pleins de noblesse