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212              DISCOURS DK JI.     D'ÀIGUEPERSK.

eurent le courage de protester contre la tyrannie et la cor-
ruption de leur époque. Elle eut même la gloire de voir ses
doctrines siéger sur le trône impérial dans la personne de
Marc-Aurèle. Sënèque affectait de marcher sous ses drapeaux
en se permettant néanmoins quelques écarts vers la philo-
sophie éclectique. Mais, sauf sa mort qui ne fut pas dé-
pourvue de fermeté, on peut affirmer qu'il ne fut stoïcien
que dans ses écrits. Par sa vie comme par son immense for-
tune qu'il avait amassée tout en écrivant sur le mépris des
richesses, il semblait se rapprocher beaucoup des maximes
des Epicuriens. Cette dernière secte, plus nombreuse que
toutes les autres ensemble, recommandait, il est vrai, la
modération dans les plaisirs, mais son véritable et principal
but était de satisfaire tous les appétits matériels. Elle niait la
divinité, ou n'en faisait qu'un témoin indifférent de tout ce qui
se passe ici-bas. On peut, sans injustice, lui attribuer la pro-
fonde corruption qui s'introduisit à Rome aussitôt après la
chute de Carthagc. Ce fut la Grèce qui lui fit ce funeste
présent, et, selon la belle expression de Juvénal, vengea ainsi
l'univers vaincu.
                      Viclumquc ulciscilur orbcm (I ).

   Sous Trajan, et grâce à la douceur de son règne, l'élo-
quence sembla se ranimer un moment. Deux hommes intime-
ment unis, Tacite et Pline le Jeune (2), la cultivèrent pour
ainsi dire en commun, s'aidant mutuellement de leurs avis et
servant de correcteur l'un a l'autre, avec une loyauté et une
modestie qui font honneur à tous les deux. La postérité a
mis une grande distance entre ces deux écrivains. Le style
fleuri, abondant et le ton quelque peu adulateur du panégy-
riste de Trajan ont paru trop au-dessous de la mâle énergie

 (I) Juvcn. Salir. VI. v. 293.
 (•>) Plin. Ephlul. YJI. il).