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140 DISCOURS DE M. HEtNRICH. Dante , génération qui n'est pas irréprochable sans doute, toute frémissante des passions italiennes, prompte a la colère, ardente à la vengeance, mais féconde aussi en patriotisme, en généreux repentirs , en nobles dévouements. Cette orageuse liberté des cités italiennes trempe les caractères, et leur donne je ne sais quelle vigueur antique qui rappelle les vertus romaines. Regardez l'Italie un siècle plus tard : la scène a changé. Les rivalités des villes ne sont pas éteintes , mais les citoyens oisifs se déchargent du soin de la guerre sur des bandes de condottieri ; le nom des républiques sub- siste , mais partout se fondent ces tyrannies qu'une démo- cratie imprudente élève pour satisfaire ses passions du moment, et qui châtient bientôt ses excès par la suppression de toute liberté ; le goût des lettres se répand de plus en plus , mais si on admire les vieux écrivains , on ne les imite plus; et c'est Boccace, Fauteur d'un commentaire sur Dante, qui écrit le Décamêron. Lui-même, dans cette admirable description de la peste de Florence qui précède ses trop légers récits , lui-même déplore le relâchement des mœurs et l'abandon de toute pudeur ; lui-môme nous a dépeint cette cité « où la vénérable autorité des lois divines et humaines était tombée et comme dissoute. » Quand un malheur public ne trouve ainsi que des indifférents ou des lâches, c'est le signe le plus incontestable d'une profonde décadence ; et dans une telle société, les lettres ne sont plus qu'une récréation pour les hommes cultivés , elles n'ont plus de grande mission sociale. Aussi l'invasion de l'esprit dans la littérature marque la première phase de son déclin. L'esprit déborde dans les contes de Boccace et va bientôt inonder la poésie. La Divine Co- médie n'était pas le seul legs que le XIIIe siècle eût fait a l'Italie. Les récits chevaleresques, la comme dans toute l'Eu- rope, avaient longtemps charmé les imaginations, et le cycle légendaire de Charlemagne, l'ennemi des Sarrasins, le libc-