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82 LES TROIS CHAPELOtf. misère de Saint-Eliennc en 1(593 et 1(>94 qui décima si cruelle ment la population. Il fut ému jusqu'aux entrailles , reprit la plume et écrivit cet admirable poëme qui a pour titre : Description de la misera de Santetieve. Des centaines de cadavres encombraient tous les jours les cimetières. Jean Cliapelon se multipliait pour rendre l'espérance aux malheureux plongés dans le désespoir. Voyait-il passer dans la rue le saint viatique qu'on portait aux malades , quelque temps qu'il fît, il l'accompagnait toujours, ne cessant de donner l'exemple de la foi la plus sincère , comme du dévoûment le plus absolu. Hélas î disait Cliapelon épuisé de fatigues, peut-être est-ce bientôt mon tour ? Il disait vrai. Une fièvre ardente le saisit, et, en peu de jours, il fut à l'extrémité. Entendant la cloche du viatique , il se leva dans son délire, e t , sans l'intervention de ses gardes-malades , il se fût précipité par la fenêtre pour le suivre. Il mourut le 9 octobre 1695 , en donnant les plus fervents témoignages de piété. Il n'était âgé que de 47 ans. Sa mort fut pour toutes les classes de la société un véritable deuil. Les pauvres perdaient un zélé défenseur et un ferme soutien , les riches l'homme qui les faisait rire. Tout le monde alors à St-Etientie parlait patois -, le français était considéré comme une langue de luxe, dont on ne se servait, tant bien que mal, qu'aux grandes occasions. L'abbé Chauve, à la fin de sa notice sur Jean Cliapelon , en se livrant à un enthou- siasme qui , pour nous , semble dépasser les bornes , nous donne ainsi la mesure de la grande réputation dont le poète jouissait encore de son temps. Déjà pourtant, centannées environ s'étaient écoulées , et l'enthousiasme de l'abbé Chauve , pour cette mémoire encore si vivante, ne devait point sembler exagéré à ses contemporains. En effet, si l'on étudie avec soin les poésies de Jean Cliapelon , on ne peut s'empêcher d'admirer la variété et parfois la portée de son talent. Je ne dis rien de ses noëls français ; le mieux que l'on puisse faire , c'est de ne jamais les lire. Quant à ses noëls