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72 LES TROIS CHAPELON. « En dernier lieu, Messieurs, si vous pouviez voir mes affaires, « vous seriez surpris comment je puis joindre les deux bouts, et « vous ordonneriez aussitôt au collecteur de ne pas traiter ma « mère comme il ferait d'un Turc, ou bien vous la rayeriez de « votre rôle ; ainsi fesant, Messieurs, vous combleriez mes vœux... Que dites-vous, Monsieur Deville, et vous Monsieur Blachon ? Obligeons sen délai lou porou Chapelon, 0 va tant preïe Dio par le benatriïe-z-ames Que sou libera-me arretarant lour larmes ; Et ie préférez Dio par YOU devotament, Qu au bout de sept vingts ans vou meri saintement ; Qu'o passi voutron tion en paix et sen tristessa, Que tou lous liabitans vou regrettant sen cessa, Que voutrous ennemis plourant séy et matin, Et qu'o pourti long tion la peli d'éclievin. Chapelon obtint gain de cause : le tribunal de l'élection re- connut la justice de sa demande (1). Dans sa charmante pièce aux Recteurs de la Charité pour se faire décharger de la taxe de dix francs par an, qu'il devait comme prêtre-sociétaire, Chapelon nous apprend qu'il garda auprès de lui, pendant quinze ans, sa vieille mère. Il a adopté, dans sa requête en forme d'épître,les vers de huit pieds si chéris de Marot. On verra que Chapelon ne lui est pas trop'Jnférieur en parler franc et en finesse. Très humblamen requêta vou présente, Un que n'a pas dou milla francs de rente, Si solamen cent écus o l'ait De fort bon cœur o s'en contentant. Le reste est sur le même ton enjoué, leste et gaulois. « Je deviens vieux, dit-il, et mes revenus s'en vont; quand j'ai « deux liards aussitôt ils s'envolent et je suis fort endetté... le « pain, le vin, la vie, tout est si cher !.. Je suis ruiné et je perds « patience de ne plus trouver personne qui me veuille faire « crédit. Depuis Varrêl de M. Bouqueton, je ne trouverais pas « la moitié d'un teston (2) à emprunter. » (i) Noike ilo l'abbé Chauve. (2) Pclilc monnaie.