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LES TROIS CHAPELON. 59 Que tou sou jours ériant de luns, Son ventrou-êre un tonnai de Tin De Bobrun TOU savez la fin. Ces dernières pièces n'ont qu'un défaut, mais ce défaut est ca- pital, c'est de venir après les Transes de Bobrun. Nous avons assisté pour ainsi dire à l'agonie, aux premiers préparatifs de la mort ; cet homme qui se relève pour tester et pour se lamenter indéfiniment ne nous intéresse plus, il a épuisé notre pitié. L'auteur ne connaissait pas sans doute un des préceptes essen- tiels de l'art de composer. Le semper ad eventum feslinat n'était pas son plus grand souci, mais abstraction faite delà place qu'elles occupent, ces pièces en elles-mêmes sont fort remarquables. N'eût-il pas mieux valu que les transes de Bobrun n'eussent été sui- vies que d'un acte de contrition en quelques vers ? C'est une faute énorme contre le bon sens et l'entente de la mise en scène. La nature, à défaut de règles, est un maître assez sur. Jean Chapelon lui-même a négligé plus d'une fois ce précepte d'Horace et il n'a pas pour excuse son ignorance. La première pièce d'Antoine Chapelon est mieux coordonnée et des plus naturelles. C'est un dialogue entre un vieux Gagu nommé Pinguet et un jeune homme, du nom de Beacle, qui se veut marier. Rien de plus charmant, de plus spirituel, de plus fin, de mieux rimé que ce petit dialogue. Pinguet a toute la science de la vie, son jeune ami toute la fougue et la naïveté de l'adolescence ; Pinguet cherche à le détromper, mais Beacle qui en tient, l'appelle gros rafouloux et fait la sourde oreille. Pinguet s'échauffe, défile tout son chapelet contre les femmes, et comme il n'y va pas de main morte, il finit par effrayer Beacle et par le dissuader. Ce délicieux dialogue est d'un bouffon et d'une prestesse d'allure incomparables. Le style en est admirablement approprié au sujet et fourmille de saillies et d'éclairs étincelants. On ne peut mieux comparer ce fragment si parfait qu'à la satire xiii»' de Régnier. Même finesse d'observation el mêmes vers frappés au coin de la vraie poésie.