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FOURVIÈRES. 317
l'étonnement. L'auteur de ce beau projet a peut-être oublié de
calculer la masse de remblais nécessaire pour remplir le vide
laissé par le déménagement du Rhône ; mais, le progrès aidant,
la chose deviendra facile. Démolissons la colline de Fourvières,
jetons ses débris dans le lit desséché du fleuve, nous le comble-
rons ; et de plus, Fourvières n'existant plus, nous aurons sur la
rive droite de la Saône une vaste place horizontale. Hélas ! je
pleurerai probablement mon vieux Rhône et ma pittoresque mon-
tagne. Cependant ma philosophie me fournira encore quelques
motifs de consolation : d'un côté , la suppression des rivières
amènera logiquement celle des ponts suspendus, qui n'auront
plus pour ressource que de jeter leurs maigres et perfides travées
par dessus les vallées; d'autre part, l'aplanissement de nos col-
lines préservera la population lyonnaise des différents casse-
cous ascensionnels que le progrès lui prépare.
J'aurais désiré que l'émotion dont j'ai parlé en commençant
eût été la goutte d'eau qui fait déborder le vase, et qu'une bien-
faisante réaction vînt réglementer le développement des intérêts
matériels ; j'ai peu d'espoir. Cependant les hommes intelligents
ne doivent pas céder au découragement, mais combattre sans
cesse et protester par leurs discours en faveur de la raison et du
bon goût. Je ne crois pas à la guérison du mal qui nous dévore ;
je pense seulement que des palliatifs convenablement appliqués
pourraient ralentir dans sa marche l'invasion de l'épidémie et
en atténuer les effets désastreux.
Paul SAINT-OLIVE.
Septembre 1853.