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ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. 215
et de nombreux amis qui le chérissaient et l'honoraient, tou-
jours charmés de le voir et toujours ravis de l'entendre. Ils
croiront sans peine ce que nous disons, ceux qui ont seule-
ment entrevu dans le monde les manières à la fois si simples
et de si bon goût du maréchal Suchet, qui ont eu avec lui
quelques-unes de ces relations de société où il apportait en-
core sa noble expansion et sa haute intelligence. La lecture
de tous les livres utiles, l'observation de toutes les choses
instructives, remplissaient dignement les loisirs d'une vie toute
consacrée à la gloire et à la patrie.
Les journées se passaient en entreliens entre le maréchal
et ses familiers et en lectures. Repassant en idée ses souve-
nirs, il s'occupait encore à rédiger ses mémoires, à l'exemple
de ces illustres capitaines de l'antiquité qui savaient manier
la plume comme ils avaient tenu l'épée. Les heures libres
du reste du jour étaient consacrées aux siens, aux cau-
series familières, autour de la table du soir, en retours sur
le passé. Dix années de réflexions avaient succédé pour lui Ã
l'époque de l'action et des combats. Il se demandait si c'en
était fait de la grande gloire , si l'avenir lui réservait encore
quelque occasion, et si la fortune avait pour lui un nouveau
sourire.
C'était pourtant au milieu de son cours que la mort de-
vait arrêter une carrière si utile, si féconde et si brillante, et
lorsque, comparant à la frêle durée de la jeunesse cette ma-
turité pleine de force qui semblait promettre beaucoup d'an-
nées à Suchet, ses amis se confiaient au temps et à l'ave-
nir pour lui payer tous ces tributs d'affection, il allait leur
être enlevé par un coup soudain. Leur yeux devaient être les
tristes témoins d'un spectacle si lamentable, et leurs voix qui
s'étaient formées à de si charmants entretiens, n'avaient plus
qu'à porter jusqu'au ciel l'amère douleur de sa perte. DéjÃ
l'interruption des fatigues de la guerre avait paru devenir