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CHRONIQUE THÉÂTRALE. GALATÉE, OPÉRA-COMIQUE EN DEUX ACTES. — M">e CABEL, M»e NATHALIE. Galatée ! ce nom seul éveille comme une magique apparition de la Grèce. Tout semble alors se transformer à nos yeux ; l'esprit se prend à errer sur les rivages de l'Attique. Nous ne sommes pourtant pas à Athènes, mais à Chypre, l'île voluptueuse et embaumée, le séjour de Cypris. Voilà la mer d'azur qui a enfanté de l'écume de ses flots Vénus toute ruisselante de rosée; voilà les roses, délices du sage et parure des grâces, comme les appelle Anacréon. Voilà les cyathes remplis de ce vin de l'Attique où le miel de l'hymète mêle sa douceur à l'amère saveur des pommes de pin qu'on y a fait infuser. Ce petit buste posé sur ce socle de marbre, c'est Vénus elle- même ; ce chœur qu'on entend dans les coulisses, c'est l'hymne que des jeunes filles, couronnées de violettes, chantent en son honneur ; voyez le fronton du temple de la déesse qui se détache sur les flancs de la mon- tagne. Cet homme qui s'approche, c'est Pygmalion le statuaire qui implore Vénus et la supplie d'animer la statue de Galatée, ouvrage de son ciseau; et Vénus, par qui tous les êtres arrivent à la douce lumière du jour, Vénus accède à ses désirs. Mais il faut noter en passant que cette déesse lui garde rancune ; car, d'après la légende grecque, il paraît que l'imprudent sculp- teur fit un jour le serment de rester célibataire. Déjà la statue tressaille; sa froide joue se colore ; le sang, cette pourpre de la vie, circule dans les veines bleues du marbre. Et qui sera pris au piège de ses désirs ? C'est Pygmalion. Car, après s'être assuré qu'elle existe et avoir répété le célèbre argument de Descartes : Je pense, donc je suis, Galatée, en vraie femme qu'elle est, s'a- bandonne à toutes les folles fantaisies de son sexe. Pygmalion lui est insup- portable comme un vieux tuteur. Elle est tout yeux pour un fainéant d'esclave appelé Ganymède. Elle est rusée, menteuse, gourmande, elle aime l'or comme Danaé, les bracelets, les bijoux, et il se trouve juste à point à côté d'elle un certain vieux marchand du nom de Midas qu'elle dévalise séance tenante. A la fin Pygmalion, trahi de tous les côtés, implore de nouveau Vénus, et Galatée redevient statue pour le repos de tout le monde. Ainsi finit la comédie. Cet opéra-comique a parfaitement réussi, et, de toift ceux qui ont été joués cet hiver, aucun n'a été plus chaudement applaudi. La musique est remarquable par la distinction. Rien de commun ; l'accompagnement est traité avec délicatesse et tous les airs sont bien dans la situation. Quoiqu'il soit admis qu'en matière d'opéra-comique on doive tout comprendre à la première audition, il faut faire observer néanmoins qu'aujourd'hui l'opéra- comique est une chose très-travaillée : les tons, les rhythmes changent à cha- que instant, en sorte que l'oreille est facilement exposée à perdre le fil des mélodies ; il est bon d'ajourner un jugement définitif même sur un opéra-