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310 JACQUES LISFRA1NC,
nances : eh bien! je suis rentré dans mon somptueux hôtel, dans
mon logement qui serait princier pour nos villageois, toujours
l'esprit en l'air, toujours agité par la soif ardente de servir la
science et par les inquiétudes inséparables des coups d'étal de
ma profession ; je suis fatigué de corps et d'esprit ; j'ai philo-
sophé, toute la soirée, dans mon jardin au milieu des fleurs ;
étendu sur un gazon de verdure, j'ai rêvé à nos montagnes, au
plaisir, à la vie paisible du village, à toi, à ma mère, à mon
frère, à mon vénérable père ; il m'a semblé quelquefois que
j'étais avec vous ; juge du bonheur que j'ai éprouvé ! mais il a
été instantané.
« Je t'écris sur le secrétaire où a travaillé l'Empereur. Ce ma-
gnifique meuble dont il n'existe pas le pareil et que tout Paris
vient voir, était à la Malmaison, dans le cabinet du grand homme ;
On m'a encore fait cadeau de son bain de pied en argent massif ;
c'est un immense vase accompagné du broc destiné à le remplir ;
je possède encore une cage en argent plaquée or ; elle a appar-
tenu à l'impératrice Joséphine ; ces objets ont coûté 30,000 fr. ;
juge de leur valeur actuelle! un grand personnage auquel j'ai
sauvé une jambe, ayant appris par les journaux que je possédais
les meubles dont je t'entretiens, m'a envoyé le fauteuil de l'em-
pereur ; il est resplendissant de beauté. Viens donc me voir ;
amène Emile avec toi ; on voyage maintenant avec tant de fa-
cilité : tu ne peux pas douter du plaisir infini que tu me ferais.
Ma position exige que je ne quitte pas Paris ; je suis allé vous
voir ; c'est à vous de me rendre ma visite et nous verrons plus
tard.
« Je vous embrasse tous comme je vous aime; j'écrirai inces-
samment à mon frère.
« Tout à toi.'
« J. LlSFRANC. »
La correspondance, c'est le cœur. Le cœur chez lui reporte
toutes ses joies à la famille, s'il écrit sur le bureau de l'empe-
reur, s'il est assis sur le fauteuil du grand monarque, il pense
encore plus aux peupliers de la maison de Saint-Paul, aux bancs