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DE LA PHILOSOPHIE SCOLASTIQUE. 121 sorte que le premier explique le second et le second le troisième, les doctrines nouvelles comprenant celles qui précèdent et les enrichissant d'éléments nouveaux? 2° Cette série régulière, sans laquelle le moyen-âge ne consti- tuerait pas une époque philosophique, s'arrête-t-elle, par une rupture soudaine, au XVIe siècle? ou, au contraire, se continue- t-elle parla Renaissance? De telle sorte que Jordano Bruno, Des- cartes, Leibnitz, tout en étant des novateurs comme l'avaient été Âlbert-le-Grand, Saint-Thomas, Duns Scot, Ockam doivent ce- pendant être considérés comme les fils légitimes de la sco- lastique? 3° S'il y a une série ininterrompue de doctrines régulièrement, progressivement enchaînées, de Gerbert et de Saint-Anselme à Leibnitz, quelle est la loi de cette série, c'est-à -dire quelle est la force, quel est le motif qui a conduit l'esprit humain, par une suite admirable de systèmes ontologiques, de son point de départ au XIe siècle à son point d'arrivée au XVIIe, point d'arrivée qui, dès lors, ne serait lui-même qu'une glorieuse étape sur cette longue route d'innovations que la pensée humaine parcourt de- puis dix-huit cents ans? Cette force ne serait-elle pas, d'après les faits impartialement constatés, ce christianisme dans lequel on s'obstine, de part et d'autre, à ne voir qu'un principe d'immo- bilité? Ce motif ne serait-il pas la nécessité, entrevue à chaque époque, de sauvegarder contre une doctrine trop étroite et de faire descendre de plus en plus dans une science devenue de plus en plus complète, le dogme traditionnel : nécessité heureuse qui, arrachant sans cesse l'esprit humain à la donnée ontologi- que précédemment adoptée et insuffisante, le contraignait d'aller en avant, toujours en avant, sans s'arrêter jamais ! On comprend sans doute, quelle serait la portée religieuse et sociale de la solution, quelle qu'elle fût, de ce triple problème. Résolu positivement, il ôterait à la philosophie incrédule son grand argument, le seul, si nous apprécions bien la disposition des esprits, qui puisse exercer sur eux une action décisive. Et croit-on que ce serait là un mince résultat? On parle sans cesse aujourd'hui, dans un certain monde qui