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168 LYON A L'EXPOSITION DE LONDRES. Lyon. C'est ainsi que MM. Mathevon et Bouvard ont exposé du drap d'or à bouquets brochés de soie, estimé à 400 francs le mètre, d'un travail tellement supérieur qu'il peut être considéré comme ce qui est jamais sorti de plus beau des ateliers lyonnais. La maison Lemire père et fils a maintenu et élevé la vielle réputation de la fabrique, par sa part de produits en ornements d'églises, et en chasubles tissées et brodées, avec ajustement de pierres précieuses. Les étoffes façonnées occupent naturellement, dans l'exposition lyonnaise, la place la plus impor- tante par le caractère spécial de leur fabrication, la richesse de leurs couleurs, et la beauté grandiose de leurs ornements. C'est de là que sortent toutes les robes de cour et de grand luxe, les ten- tures princières, les décorations d'appartement les plus splendides. On ne verra pas de longtemps un trophée industriel plus glorieux que celui de toutes ces robes de soirée choisies parmi les chefs-d'œuvre de la fabrique, et qui re- présentent les plus grandes difficultés vaincues, en même temps que les effets de dessin et de mélange les plus délicats et les plus exquis. Il n'y a pas un peuple au monde capable aujourd'hui de réunir à ce point la richesse de la matière à la perfection du travail. Une seule maison a exposé des crêpes (soixante dix pièces environ) crêpes- crêpes, crêpes-lisses, crêpes airophanes, brodés blanc sur blanc ou brodés en couleur d'une grâce, d'une légèreté, d'une fraîcheur indescriptibles. Ce quar- tier de l'Exposition est très-dangereux pour les maris. On y voit, du matin au soir des milliers de femmes en extase, qui enregistrent sur leurs agendas le nomde la maison Montessuy et Compagnie, et qui le portent aux nues. C'est de la région des nuages, en effet, que semblent être venues ces ravissantes pro- ductions, diaprées de mille couleurs, transparentes et légères comme des ailes de papillons. Femmes des heureux de la terre, je ne saurais trop vous le re- dire : quand vous jettez sur vos belles épaules ces écliarpes aériennes, songez quelquefois aux pauvres filles qui les ont faites. Elles sont de votre sexe, de votre pays et de votre religion, et elles manquent souvent du nécessaire, après vous avoir donné le superflu •! Non loin de ces brouillards de soie, les Lyonnais ont exposé un assor- timent de plus de 200 pièces de foulards, mouchoirs de poche et cravates plus solides et plus vulgaires, mais d'un immense débit, et dans la fabrica- tion desquels l'industrie lyonnaise a fait des progrès considérables depuis quinze années. Elle n'a pas moins frappé l'attention publique par ses trois étalages de peluches noires pour chapeaux d'hommes. Les chapeaux tels que nous les portons aujourd'hui sous forme de cylindres parfaitement ridicules, sont fort laids, disgracieux et incommodes, mais ils ne sont pas trop chers ; et c'est au perfectionnement de la peluche que nous devons la possibilité de les renouveler souvent, et de les avoir propres, en attendant que nous leur donuions une forme plus rationnelle et plus appropriée à nos habi- tudes. Les Anglais qui sont plus géomètres que nous, ont calculé que chaque cha- peau occupait la moitié de l'espace disponible pour un homme, et ils ont le plus grand soin de vous faire déposer le votre en entrant, comme les manteaux et les parapluies. Ils ont remarqué aussi que l'homme moins at- tentif à la défense de son chapeau était plus libre, plus dégagé et partant plus aimable. Pendant que nous sommes encore dans la période révolution- naire, opérons donc la révolution des chapeaux. Il y a, à l'Exposition lyonnaise, un article qui serait bon à supprimer, ce sont les tissus- unis à dessins imprimés sur chaîne, dits chinés, qui sont