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92 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. dissertations graves el arides, une variété piquante. C'est merveille de voir avec quel fond de raison et de science, avec quelles ressources d'esprit et d'érudition, il frappe d'estoc et de taille sur tous les faux systèmes , démolissant pièce à pièce ceux qui paraissaient le mieux établis, se jouant des autres, comme de mannequins ou de bulles de savon. Ainsi, la naissance de Bellovèse à Dijon, plus de 600 ans avant noire ère; l'inévitable camp des légions de César, dont on a tellement abusé partout, qu'il ne prouve plus rien pour aucune localité ; les étymologies celtiques, belléniques, égyptiennes, orientales qui ont fourni la matière de tant d'élucubrations extravagantes ; la rencontre de Marc-Aurèle avec saint Bénigne, alors que cet empereur (qui n'est jamais venu dans les Gaules) faisait construire les murs du Caslrum divionense ; le martyre de l'apôtre bourguignon arrivé sous ce prince, ou dans une persécution imaginaire de Caracalla, sont autant d'inventions déplorables ou d'erreurs manifestes qui, jugées au flambeau de l'histoire et de la saine critique ne soutiennent pas l'examen. Saint Bénigne ne peut appartenir à cette première phalange d'illustres martyrs que l'Orient envoya dans les Gaules , sous la conduite des Pothin et des Irénée; il dut faire partie de cette grande prédication chrétienne venue après la persécution de Dèce , quand les sept évêques que nomme Grégoire de Tours (î), partirent de Rome pour rallumer la foi jusque sur les rives de la Seine. Cette date s'accorde parfaitement, par l'espace de temps qui sépare Aurélien de Dèce, avec les vingt années d'apostolat que la chronique de saint Bénigne donne à ce martyr, d'après les actes de saint Symphorien (2). 11 serait à désirer que, dans toutes nos provinces, on trouvât des savants judicieux, des critiques habiles et sincères capables de suivre le bon exemple donné par M. de Belloguet. C'est une honte pour nous et pour notre siècle que de voir à quelles misérables compilations, à quelles œuvres puériles sans portée et sans conscience, on ose encore donner le nom d'histoire." Il est dans nos annales des points obscurs et délicats qui seront longtemps, toujours peut-être, des problèmes insolubles et sur lesquels les opinions pourront se diviser; mais il est aussi des fables, des préjugés, des erreurs, dont il n'est plus permis de bercer la crédulité publique et dont la science moderne devrait enfin, et pour jamais, faire une éclatante justice. » ALPHONSE DE BOISSIEU. (1) HIST. I, l'A. GI,OR. GONF 3o. FoirruN. L. II, 9, (a) Swcir,. P. 558. T. 1. Fol,