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426                     ANTOHJN MOINE.

    Mais le talent déjà si varié d'Anlonin Moine n'avait pas
encore dit son dernier mot. Il s'avisa un jour de faire, au
pastel, depuis longlempsflégligé, les plus charmants portraits,
les plus frais paysages du monde. De tous côtés lui vinrent
des têtes à reproduire, el des plus célèbres, et des plus gra-
cieuses ! Il travaillait pour la politique, il travaillait pour la
finance. Plusieurs portraits sortis de son atelier représentent
diverses personnes de la famille Mole et de la famille Rots-
child. Les équipages stationnaient à sa porte tandis que les
maîtres posaient. Sans manquer à la ressemblance, il tempé-
rait la vérité oulrageuse. Les femmes étaient contentes. . .
heureux peintre ! Ce fut un succès, ce fut une vogue. Comme
le goùl des derniers règnes de la vieille monarchie était re-
venu à la mode dans les décorations et les ameublements
somptueux, on voulait avoir de lui, dans ces charmants cadres
de forme ovale, adhérents à la boiserie des boudoirs parfu-
més, quelques-unes de ces coquettes compositions à la Wa-
teau, où le dessin n'était pas trop sévère, ni la morale non
plus. Les amours revenaient en foule. Le charmant artiste
obéissait à la douce impulsion. 11 fardait, il poudrait, il enru-
banait ses personnages. Pas de lailleusedans Paris qui posât
avec plus de grâce que lui les dentelles et les fleurs à une
robe à la Pompadour ! Pas de fine laille dont il ne sût rendre
l'heureuse cambrure !
    Cependant, d'autres mains artistiques vinrent à lui disputer
le pastel. Le goût se modifia. La vogue s'attiédit. L'élégant
landeau ne s'arrêtait guères plus à la porte solitaire de l'ar-
 tiste. Il s'ennuya, il tourna au spleen, le mal de toute sa vie.
    Il en était là, triste, maladif, amaigri, morose, se plaignant
 de Dieu el des hommes, quand survint ce coup de main qui
jeta bas la monarchie par surprise.
    Il comprit alors que l'art s'en allait. Les couleurs se sé-
 chaient sur toutes les palettes. Le pauvre artiste perdit ses