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422 AXT0N1N MOINE. Ne parlons point des trônes : C'est peu par le temps qui court; mais la mort d'un ami, cela nous touche encore; les novateurs n'y peuvent rien changer, et ce vieux cœur hu- main s'obstine en ses affections. 11 faut bien tenir a quelque chose ! J'ai lu ce matin dans une feuille : « M. Antonin Moine, peintre-sculpteur, est mort hier à Paris. » Pas un mol de plus. Celle parole brève, sèche pour tout le monde, douloureuse pour moi, Iriste pour nous lous ici, peut suffire, à la rigueur, au public distrait. Comment arrêter longtemps, au lit de mort d'un artiste, l'attention d'une société menacée qui pour- rait répondre comme le Cacique : « Et moi, suis-je sur un lit de roses ? » Mais cela ne nous suffit point à nous autres. Le journal ne dit pas même que ce peintre-sculpteur était de Sainl-Elfenne en Forezl Ainsi donc, parlons-en tout à notre aise, entre nous, famille sléphanoise ; recueillons nos souvenirs attris- tés, et racontons cette pauvre vie d'un artiste qui eut le talent, qui obtint la célébrité, qui n'atteignit jamais le bonheur. J'ai côtoyé, dès sa source, cette existence troublée. Il m'ap- partient d'en parler. Je vous dirai ce que j'en sais, en toute sincérité, avec celle certitude des lointains souvenirs de jeu- nesse qui reluisent encore dans l'âge mûr. Au collège, Antonin Moine faisait peu de thèmes et beau- coup de bons hommes. Mon pupitre, voisin du sien, en avait qui me charmaient ; mais le maître d'éludés les admirait un peu moins, le barbare! il en faisait de terribles razzias. Heureusement que la craie, la pointe du canif aidant, sou- vent même la plume qui venait, pour ce fait , d'écrire un pensum, le dommage était bientôt réparé, et les dons hom- mes reprenaient possession de leur domaine. Je n'assurerais