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3C6               LETTRES SUR LA SARDAIGNK.
 les coups de leur queue longue, et découpée en forme de
 croissant. Alors les voiles se hissèrent au bout des mâts, les
  barques glissèrent sur la mer, et se développèrent au loin sur
 une ligne immense, jetant des pièces de filets lestés, qui for-
 mèrent derrière les monstres marins une barrière infranchis-
 sable. Après s'être longtemps poursuivis, avoir joué, cabriolé,
 mangé tout à leur aise, les thons abandonnèrent enfin le ri-
 vage, pour voguer en pleine mer. Mais une muraille mou-
 vante se dressait devant eux ; plusieurs s'engagèrent à tra-
 vers les filets, se débattant avec fureur, faisant chanceler les
 pêcheurs dans leurs barques, prêles à chavirer. Leurs efforts
 furent inutiles, un petit nombre seulement parvint à se frayer
 une issue. Enfin, un passage s'ouvre devant eux, c'est une
 de ces longues allées, appelées chasses, en terme de pêche, et
 qui vont du rivage à une vaste enceinte, espèce de parc qui
 reste construit dans la mer. Les poissons s'engagent audacieu-
sement dans ces allées, où les poussent et les pressent les hardis
pêcheurs, qui leur coupent la retraite avec d'immenses filets.
 A leur suite, accourt la flolille des marchands et des curieux.
La grande enceinte du parc est divisée en compartiments,
formés par des cloisons de filets soutenus par des flottes de
liège, et amarrés à des ancres, espèces de chambres dont cha-
cune a son nom particulier. Les thons, toujours poursuivis,
saisis de frayeurs, passant de chambre en chambre, parcou-
rurent une longueur de plus de mille mètres, et arrivèrent
enfin à la chambre fatale, dont ils ne devaient plus sortir,
à la caméra délia morte. Tandis que les barques curieuses
se rangeaient à l'entour, le filet qui forme le fond de cette
dernière enceinte, un peu soulevé, fit monter à la surface de
l'eau les poissons prisonniers, alors une centaine de'petiles
nacelles, montées par des pêcheurs armés jusqu'aux dents,
comme pour un abordage, s'élancèrent au milieu d'eux, et la
bataille commença.