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358 LETTRES SUR LÀ SARDAIGNË.
conséquent dans sa haine contre l'école moderne, que l'on
est convenu de désigner sous le nom de romantique ; le ro-
mantisme, n'est-il pas le libéralisme dans les lettres et les
arts? Telle est du moins l'opinion de M. de Balzac, cet
homme de génie, cet écrivain dont le caractère est dans
ces mots : patience et conscience, les deux éléments consti-
tutifs de l'art flamand, ce Miéris de la littérature qui
élève le charme du fini et la science du détail aux dimensions
du tableau d'histoire, et sait faire entrer, dans des peintures
dont les horizons étroits ne dépassent pas les accidents de
la vie bourgeoise, des drames saisissants et terribles, des
physionomies originales et sublimes.
Quant 6 vous, cher ami, qui touchez à cet âge où les
années rendent l'âme sage et triste, et que, par conséquent
je soupçonne de ne pas partager mes opinions, je vous
dirai : cette littérature d'archéologie, comme l'appelait un
philosophe dont je ne veux pas compromettre le nom dans
mon bavardage, ces œuvres anciennes sont les seules qu'on
vante et qu'on admire , d'accord , mais les nouvelles sont les
seules qu'on lise. Et vous-même, tout en professant le
plus profond respect pour la poésie incolore et douteuse
de nos pères, tout en gardant pour elle des louanges exclu-
sives, vous conviendrez que, Ã part quelques rares chefs^
d'œuvre, vous avez peine à en soutenir la lecture. Mais il est
bien convenu que je mets hors de cause cette littérature com-
merciale, qui depuis dix ans fait les délices de la bourgeoi-
sie; la Révolution de février l'aura ruinée , j'espère , pour
jamais ; ce ne sera pas là un de ses moindres bienfaits.
Mais, il faut bien, enfin, fermer une parenthèse inutile et
interminable, pour reprendre le fil de mon récit, et vous
demander pardon de cet écart superbe, à propos de je ne sais
quoi, d'un poisson peut-être. J'ai fait comme mes confrères
ces petits écrivailleurs, modestement prétentieux, qui, Ã