page suivante »
35G LETTRES SUR LA SAKDAIGNE. tout progrès, politique et littéraire, et qui gardent, pour les hommes et les choses d'autrefois, leurs louanges et leurs affections. Un soir, après une conversation des plus animées, (le mouvement libéral, imprimé par le nouveau pape à la politique italienne, les réformes gouvernementales, si longtemps attendues, offraient alors aux bavards un champ fertile en discussions), 'plusieurs convives nous firent leurs adieux ; les uns allaient s'embarquer pour le continent, les autres devaient assister à la pêche du thon à la Tonnara de l'île de l'Asinara. — Et vous, Monsieur, me dit alors le vénérable docteur, aujourd'hui que vous avez visité la Sardaigne et ses villes principales, où allez-vous? — où je vais? Mon Dieu, je n'en sais rien. — Hélas! reprit-il sentenlieusement, où allons-nous? l'esprit révolutionnaire souffle la révolte sur la face de l'Europe, et va précipiter l'humanité dans des abîmes sans fond ! ! ! ! ! Ma foi! vivent les pointsd'exclamation, n'est-il pas vrai, cher ami ? ils remplacent ici avantageusement la tartine philosophi- que, morale et oubliée de mon respectable vieillard. Pourtant j'en ai tant entendu de semblables et sur la môme matière, que je pourrais, si vous le désirez, vous la reproduire d'une façon à peu près exacte. Quand il eut terminé ses jérémiades prophétiques, le digne homme entreprit de me faire connaître les causes de ces catastrophes terribles ; et sur ces questions, il était un peu de l'école du saint évêque de Cagliarr, l'ennemi déclaré des bateaux à vapeur. La facilité croissante des communications, qui éparpillent en tous lieux les idées subversives, lui causait un effroi indicible. 11 condamnait sévèrement ces établissements industriels, qui apportent aux habitants d'un pays la richesse et le bien-être, mais qui, leur prenant en échange la résignation , la simplicité et cette ignorance bénie, qui fait le bonheur du pauvre, leur en-