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334 LOUIS-PHILIPPE D'ORLÉANS. le Havre, à bord de l'Express, paquebot anglais destiné à embarquer ceux des sujets de la reine Victoria qui fui- raient le sol agité de la France. Le successeur de Charles X avait arboré la livrée du plus modeste fugitif. Américain par le nom et par l'accent, il portait des lunettes vertes, et sa figure, dépouillée des favoris épais qui l'ombrageaient, était à moitié recouverte d'un cache-nez. La traversée fut pénible, mais couronnée le 3 par un heureux débarquement à New- Haven, d'où le couple royal se rendit au château de Gare- mont, propriété particulière du roi des Belges. Là , se retrou- vèrent successivement les membres de la famille déchue, ex- cepté la duchesse d'Orléans, qui se retira avec ses enfants dans les Étals de Mecklembourg. Ici doit se terminer celte incomplète esquisse d'une des existences les plus pleines et les plus agitées que mentionne l'histoire. Rendu à la vie privée par l'explosion formidable que ses habiles efforts et son courage personnel avaient con- tenue pendant dix-sept ans, Louis-Philippe expie aujourd'hui dans un dernier exil les torts d'une politique à laquelle les circonstances eurent plus de part que ses propres inspira- tions. La condamnation la plus éclatante de son régne sera sans doute d'avoir rendu possible en France le retour de ce régime républicain, que tant de funestes souvenirs, tant de sinistres images semblaient devoir écarter à jamais de notre sol. Mais l'histoire et la logique absoudront difficilement les réformateurs de 1848 d'avoir opposé à une situation vicieuse le remède extrême d'une révolution, et proscrit le principe même de l'institution monarchique, en vue de l'administra- tion impopulaire qu'il avait enfantée. Car, les révolutions, qui corrigent certains abus, rendent rarement aux peuples les biens dont elles les privent, et, comme l'a écrit notre plus illustre publiciste , à la lueur de soixante ans d'une expé-