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288 DU DROIT DE PROPRIÉTÉ. l'origine et les attributions de la classe gouvernante. Vous aurez beau la tirer du milieu de la nation , le pouvoir que vous lui remettrez entre mains la rendra bientôt violente et impérieuse ; car la toute-puissance monte à la tête et donne le vertige ; eussiez-vous limité son pouvoir par les lois les plus sages , vous ne pourrez point faire qu'elle ne dispose de toutes les charges et de toutes les richesses du pays , et alors vos précautions sont complètement illusoires. L'étal aura alors le pouvoir et le droit de fixer à chaque individu la fonc- tion qu'il doit remplir , la rétribution qu'il recevra pour prix de ses services et par conséquent le degré de bien-être auquel il peut prétendre. L'homme laborieux qui a fécondé son champ au prix de ses sueurs, se le verra enlevé pour devenir le lot d'un misérable qui n'aura rien fait pour le mériter. On s'est plaint bien souvent des inconvénients de notre centrali- sation ; quelle différence cependant avec une pareille orga- nisation ! L'expérience a montré combien les gouvernements surveillés et contenus dans les plus étroites limites parvenaient facilement à affermir et à étendre leur pouvoir. On a éprouvé quelle force ils liraient de la faculté d'élire aux charges pu- bliques. Que serait-ce quand chaque individu serait forcé- ment un fonctionnaire du gouvernement ? Qu'on juge à quels excès pourrait se porter ce gouvernement maître de toutes les ressources du pays, de tousses instruments de production comme de tous ses produits , exerçant toutes les branches d'industrie nationale et en recueillant les profits. Il est im- possible d'imaginer quelque chose de plus exorbitant qu'un pareil despotisme. L'état fait tout, l'état c'est tout, l'individu n'est rien , voilà la formule qui traduit ce nouveau régime. C'est une sorte de panthéisme social où l'absorption de l'indi- vidu est complète. Il pense pour l'état, il invente pour l'état, il produit pour l'état. En revanche , il est admis à l'immense table d'hôte servie par l'état , qui le met à la portion congrue.