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262               LETTRES SUR LA SARDA1GNE.

    « Vous pensez sans doute qu'Anita était allé dans les forêts
retrouver celui qu'elle aimait, et partager la vie errante du
bandit? eh bien ! c'est ce qui était arrivé. La pauvre enfant,
à jamais vouée à la fortune de Juancho, parcourait avec lui
les montagnes de la Gallura et de la Barbagia, errant, tantôt
au milieu des pasteurs, tantôt avec les autres bandits, qui, tra-
qués de toutes parts par les chevau-légers, se réunissaient
sous les ordres de Juanclio pour repousser leurs attaques : car
ses compagnons enthousiasmés par sa force, son adresse et
son audace, les trois qualités suprêmes aux yeux des Sardes,
avaient choisi Juancho pour leur chef. La réputation du ca-
pitaine s'était répandue dans l'île entière; il était devenu le
roi de la montagne, et Anita, sa compagne inséparable, par-
tageait sa puissance et sa renommée. Elle était heureuse en-
fin : l'amour et la gloire de ce qu'elle aimait lui faisaient oublier
sa réputation perdue, et voilaient de trop douloureux souve-
nirs ; et puis elle trouvait dans cette vie, vagabonde et tour-
mentée, des attraits inconnus. Et alors mon brave franciscain
commença une apologie de cette existence aventureuse, qu'il
accompagna de détails attendrissants sur les vertus des bandits,
avec une complaisance qui cachait de secrètes sympathies.
Pauvre saint homme ! la monotonie monastique lui pesait sans
doute; comme nous, il s'ennuyait de cette existence incolore
que nous a faite la civilisation; comme nous, il gémissait sur
ce manque d'imprévu, qui fait le malheur de la vie moderne.
   « Mais il arriva que le Vice-roi, voulant réprimer d'une
façon énergique les entreprises des bandits dont le nombre
et l'audace augmentaient chaque jour, lança à leur pousuite
une armée de chevau-légers , de soldats et d'espions. Anita
comprit alors qu'elle ne pouvait plus rester avec son amant,
sans l'exposer à tomber entre les mains de ses ennemis, elle
se résigna à l'abandonner et vint se réfugier à Paoli-latino, où
elle était complètement inconnue. Elle habitait cette belle