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                 LETTRES SUR LA SARDAIGNE.                   259

la chapelle, une jeune fille voilée, qui portait sur sa tête une
corbeille pleine de fruits, et retenait sur sa hanche une am-
phore alongée. Quelques moments après, nous la vîmes sortir
du refuge et marcher vers nous ; car pour moi, prévoyant
bien que Juancho ne se rendrait pas sans vendre chèrement
sa vie, j'étais venu vers sa retraite dans la pensée qu'on pour-
rait avoir besoin de mes pieux offices. La jeune fille semblait
une apparition céleste ; les rayons du soleil couchant l'enve-
loppaient comme d'une caresse et dessinait sa silouhette élé-
gante sur l'azur empourpré du soir. Un de ses bras, gracieu-
sement arrondi, retenait sur sa tête sa cruche encore pleine,
 tandis que l'autre retombait le long de sa hanche avec
un mouvement plein de mélancolie et d'abandon. Son
pezzaro blanc flottait au vent, formant autour de sa figure
comme une auréole capricieuse ; elle était charmante ainsi.
Quand elle fut près des soldats, elle retint son voile sur son vi-
sage, et, commepour se dôbarasser de leurs galantes obsessions,
elle leur abandonna la cruche, pleine encore d'un vin géné-
reux. Mais, dans sa fuite, son voile un instant s'entrouvrit, et
je pus reconnaître les cheveux noirs el le regard d'azur de
la fille d'Anselmo, c'était Anita, Ânita amoureuse de Juan-
 cho, l'assassin de son père ! ! !
    « Que voulez-vous? les femmes sont ainsi faites. La fai-
 blesse leur fait horreur ; et ce sont les qualités qui leur man-
 quent le plus : une volonté inflexible, une énergie quelque
 peu féroce, qui, chez l'homme , les passionnent au suprême
 degré. Aussi, assassinez votre famille, tuez père et mère,
 ayez l'âme enfin aussi noire qu'une soutane de jésuite, et
 vous pouvez être sûr que toutes les femmes vont vous ado-
 rer , et sacrifier pour vous, s'il le faut, leur bonheur et
 leur vie. »
    Que pensez-vous, Madame, de celle loi morale , décou-
 verte par mon saint franciscain?Il me semble difficile d'en nier