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           DU SENTIMENT POÉTIQUE DE LA NATUKË.                   101
 est essentiellement représentative d'une idée, essentiellement ex-
 pressive d'une cause. La forme ne peut être conçue sans un
 support nécessaire qui est l'idée. Dans le langage des sciences
 naturelles on appellerait du nom de force ce que nous nommons
 idée dans le langage de l'esthétique. Relativement à la forme,
 l'idée doit être considérée comme substance et comme cause.
 Chaque forme dans l'univers suppose donc une idée qui l'en-
 gendre ; derrière le monde des formes, des signes sensibles, il y
 a donc le monde des idées. Ce lieu où reposent les idées de tou-
 tes les formes, c'est l'intelligence divine, c'est la pensée de Dieu.
    L'intelligence divine est une et infinie comme Dieu est un et
 infini. Mais en se réalisant par la création dans le monde maté-
 riel, c'est-à-dire dans un ordre fini et borné, la pensée divine
 sort de son unité, elle se diversifie, s'individualise ; son infinité
 se limite dans la multitude indéfinie des formes et des existences
 créées. Chacune de ces formes, chacune de ces existences repré-
sente donc un des innombrables aspects de la pensée divine, un
des innombrables attributs de l'Être divin. Ce qui existe en Dieu
à l'infini, la nature le reproduit dans le fini. Mille existences,
mille formes nouvelles jaillissent progressivement dans le sein
de la création, sans que leur multiplicité innombrable puisse ja-
mais réaliser dans la nature l'infini de l'Être qui est en Dieu.
L'univers créé, la nature, c'est la manifestation successive, la
réalisation dans les limites du temps et de la matière des idées
éternelles qui résident dans l'intelligence divine.
   Jamais l'univers créé n'arrivera à reproduire dans les phéno-
mènes qui le composent, l'infinité de la pensée du Créateur. Le
monde visible ne retracera jamais en entier le monde intelligi-
ble ; à aucun moment de la durée, la nature n'exprimera tout ce
qui est en Dieu. De même dans l'intelligence de l'homme, quoi-
que bornée et relative, il reste toujours quelque chose que les
signes extérieurs laissent inexprimé ; l'œuvre d'art, si accomplie
qu'elle soit, ne rend jamais qu'une partie de la conception de
l'artiste. Mais s'il est certain que le monde des formes, néces-
sairement fini, ne saurait reproduire en totalité le monde infini
des idées, que la création ne renfermera jamais toute la pensée de