page suivante »
476 LETTRES SUR LA SARDAIGNE.
grandes herbes aquatiques d'un petit ilôt, vrai bouquet de
fleurs et de verdure sortant du sein des eaux. A peine mis-
je le pied sur le bord, qu'un bruit semblable au roulement du
tonnerre lointain, ébranla les airs, et une nuée d'oiseaux marins
obscurcit le ciel, abandonnant à grands cris un domaine,
dont depuis des siècles sans doute, ils étaient les tranquilles
possesseurs. Le sol était jonché de plumes bigarrées tombées
de leurs ailes, et les feuilles des glaïeuls cachaient des nids
remplis d'œufs tièdes encore. » Aujourd'hui des moissons
magnifiques couvrent le sol de l'étang, et l'île déserte s'élève
encore au-dessus de la plaine fertilisée comme une gerbe
verdoyante.
Un industriel distingué, M. Ersham , que des entreprises
commerciales avaient retenu en Sardaigne pendant quelques
années, avait été frappé de la fertilité extraordinaire des cam-
pagnes de Sanluri; la valeur vénale des terrains, dont le prix
augmentait à raison de leur proximité de la palude, lui révéla
la richesse probable d'un sol composé des parties les plus
grasses des terres supérieures entraînées chaque année par
les pluies. Il conçut alors le projet d'un vaste établissement
agricole, fondé sur le sol môme des étangs desséchés. Monsieur
Ferrand, connu déjà en Piémont, par des travaux entrepris
et terminés avec autant d'habileté que de bonheur, sollicita
et obtint la concession des étangs et des terrains environnants,
aux seules conditions du dessèchement et de la création d'une
ferme modèle. Le roi Charles Albert, trouvant dans cette
grande entreprise la double réalisation de ses vœux les plus
chers : l'assainissement d'une province, la plus belle peut-être
de son royaume, et l'éducation intellectuelle d'un peuple
encore à moitié barbare, voulut témoigner d'une manière
éclatante l'intérêt qu'il portait à son heureuse réalisation.
En conséquence il accorda à l'élablissement l'exemption de
l'impôt et des droits de douane pour les objets qui lui étaient