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444                 DU GÉNIE LITTÉRAIRE

sion musicale ; le rhylhme qui lui est particulier est un
rhylhme conventionnel et qui n'est pas fondé sur les lois de
l'accent: son abondance en syllabes muettes la rend peu
propre à être chantée, et dans la réalité la versification est
une musique. Le vers français n'a conservé du chant que le
mouvement et la mesure, la mélodie lui manque. Si nous
ajoutons à ces inconvénients, qui dérivent de l'essence même
de la langue, toutes les entraves particulières imposées au vers
français, le grand nombre de règles arbitraires qui ajoutent
beaucoup à la difficulté sans rien ajouter à l'effet réel,
nous serons forcés de reconnaître que par les lois de sa versi-
fication, la langue française est moins favorable que beaucoup
d'autres à la forme poétique.
   Si la versification a besoin d'une langue accentuée et sonore,
la poésie elle-même s'accommode difficilement d'une langue
trop positive et qui risque de ne rien laisser à l'infini du sen-
timent en excluant le vague de l'expression. La poésie vit
d'idéal ; l'idéal essentiellement divin ne peut être enfermé
qu'en partie dans une expression matérielle, le sentiment des
choses divines est gêné dans les contours d'une formule trop
précise: l'homme entrevoit l'idéal sans jamais le discerner
clairement, il tend les mains vers lui sans jamais l'embrasser.
Dans tous les ordres de beauté l'idéal se manifeste a nous
par quelque chose qui ne peut être déterminé, qui échappe à
toute appréciation positive, dont aucune méthode ne peut
donner le secret. 11 n'y a cependant de réellement poétiques
que les œuvres qui réveillent en nous le sentiment de l'idéal.
La poésie doit écarter un peu le voile qui nous cache le ciel,
c'est-à-dire le monde de l'idée pure; ce voile c'est la forme
sensible elle-même, c'est tout ce qui participe du fini. Il faut
donc que le monde matériel s'entr'ouvre pour ainsi dire,
afin délaisser arriver jusqu'à nous la splendeur de l'idéal. Cet
espace vide par lequel nous apercevons la lumière d'en haut,