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LES FEMMES MARSEILLAISES. 403
Quoi qu'il en soit, l'aventure avait fait du bruit.Toutes les jeunes
et helles Marseillaises voulurent suivre l'exemple de Regaillette.
Les femmes mariées transformèrent leurs maisons en de véri-
tables forteresses hérissées de vertus et flanquées de maris.
Les jeunes filles se réfugièrent toutes dans des couvents et des
monastères.
Le roi Louis XIV, comme on sait, aima beaucoup les allégories
où il remplissait le rôle du soleil. Il avait pris pour devise ces
mot.- soli, soli, soli. A la cour de Versailles, il dansait habillé
en soleil. Les jeunes filles de Marseille avaient donc traité le roi
selon ses goûts ; elles avaient fait comme font les fleurs qui, pour
se soustraire aux atteintes brûlantes du Dieu du jour, referment
leurs corolles sur leurs coupes immaculées.
De façon que le roi Louis XIV, pendant son séjour à Marseille,
ne trouva pas une seule Lavallière, pas une Montespan, pas une
Fontange, pas même une Maintenon.
Ce fut là une chose très-honorable pour le beau sexe de
Marseille, très-satisfaisante pour les maris, mais très-humiliante
pour le grand roi Louis XIV, qui, cette fois, venait de faire la
campagne à ses frais. Aussi les écrivains contemporains disent-
ils « que cette conduite des dames de Marseille excita les plaintes
de la cour (1). »
Il y avait de quoi, vraiment !
Et pendant que les femmes de Marseille rehaussaient leur
beauté de cette chaste robe de modestie et d'innocence, savez-
vous bien ce que faisaient les dames de Lyon, d'Avignon, de
Rouen et autres villes du royaume de France? La chose est
curieuse, vous allez en juger par un simple extrait de l'Histoire
des trois Maries.
Jean Drouin, l'auteur, ou plutôt l'arrangeur (2) de cette his-
toire, apostrophe ainsi ces dames :
(t) RufB, Histoire de Marseille, a e édition.
(2) L'Histoire des (rois Maries, composée en vers français par Jean de
Venelle, en i3/ t 5, a été mise en prose en i5o5, par Jean Drouin, qui y
a fait plusieurs additions: