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196 SORTIE DES LYONNAIS.
ques heures de repos, et je dus, malgré toutes mes craintes,
y faire halle.
L'histoire offre peu d'exemples d'une journée aussi terri-
ble. Une ville superbe , la seconde de la France, une des pre-
mières du monde par son commerce et ses richesses, livrée Ã
la merci d'un ennemi féroce et impitoyable, irrité par sa dé-
fense inouïe, et allant réaliser toutes les horreurs dont il l'avait
menacée. Le faible reste de ses fidèles défenseurs, cherchant
son salut dans sa valeur, coupé, dispersé , arrêté et destiné Ã
l'échafaud. Le peu que j'avais pu conserver auprès de moi ,
errant et incertain de pouvoir se sauver. Telle était notre po-
sition dans les bois d'Alix, le 9 octobre, Ã minuit. Je n'es-
sayerai pas de décrire ce que je souffrais personnellement ;
mon état ne se rend pas.
Après deux heures de repos je me mis en marche, en me
dirigeant sur la petite ville du Bois-d'Oingt. Je devais né-
cessairement y passer.
En débouchant des bois d'Alix , je rencontrai à la croisée
d'un chemin un poste de quatre paysans. Je les interrogeai ;
ils me dirent qu'il y avait dans la ville un bataillon d'infante-
rie de ligne et du canon. M'étant aperçu que ce rapport in-
timidait , je leur demandai s'ils pourraient me faire éviter la
ville en la tournant. Ils me le promirent; mais ces scélérats
me firent marcher pendant deux heures , et me conduisirent
dans un bois, sans chemins, m'alléguant pour excuse qu'ils s'é-
taient égarés et ne connaissaient pas bien le pays; cependant,
j'étais obligé de m'en servir, et je les fis garder à vue.
Une demi-heure avant le jour, j'envoyai deux personnes in-
telligentes, avec des guides pour reconnaître des chemins et
notre position. Leur rapport ne fut pas satisfaisant. Nous
étions entre les villages de Thizy et de Bagnolles, et à une
demi-lieue seulement de la ville du Bois-d'Oingt.
Dès la pointe du jour, le tocsin se fit entendre dans toutes