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L'ÂGE NOUVEAU. 95
VI.
« Je veux, prompt comme un dieu, sillonnant mon domaine,
Qu'un flamboyant coursier sans trêve m'y promène
Des sables du Tropique au glacier boréal.
Je veux, le même jour, suivre à ma fantaisie,
Sous le chêne d'Europe ou le palmier d'Asie ,
Mon rêve où j'entrevois le soleil idéal.
Je me veux affranchir de tous travaux serviles ;
Je veux pour ouvriers, dans mes champs, dans mes villes,
Animer des métaux le peuple souterrain.
Avec mes lourds taureaux, mes chevaux, mes molosses,
Je veux à m'obéir dresser d'ardents colosses
Au cœur de flamme, aux bras d'airain.
Puisqu'ici-bas mes jours, dont nul ne doit renaître,
Sont si courts pour aimer, pour agir, pour connaître,
Que l'œuvre plus rapide allonge les instants !
Je veux faire tenir dans une heure de vie
Un siècle tout entier du bonheur que j'envie,
Anéantir l'espace, éterniser le temps ! »
VIL
Tel est notre âge, épris de superbes pensées ;
Qui donc ose sourire et les dire insensées ?
Dieu seul peut mesurer la carrière à nos pas ;
L'Océan a son lit, notre âme ne l'a pas.
Prométhée a trouvé dans sa forge profonde
L'inflexible levier qui doit mouvoir le monde,