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;Î50 DE LA FAUTE DE L'HOMME du rationalisme, au fond, s'asseoit tout en plein sur cette idée. Puisque l'ame a en elle sa lumière, sa vie et son but, puis- qu'elle trouve dans son propre sein, et sans autre mystère, les éléments absolus de son développement spirituel, il lui devient inutile de les puiser ailleurs. Aussi, par un esprit de conséquence exact, le point de vue humain considère-t-il la religion comme ontologiquement inutile. La religion, c'est le produit exagéré de la raison encore dans l'enfance. De nos jours, elle n'est que la sublime illusion des esprits trop fervents, la seule lumière de ceux qui n'ont point pu étudier la philo- sophie, enfin l'unique science du peuple illettré : il a toujours fallu pardonner quelque chose à l'enthousiasme et à l'igno- rance ! C'est par une remarquable exactitude de langage que notre époque a définitivement appelé cette doctrine, aussi ancienne que la pensée de l'homme, du nom général de Panthéisme. Vous allez juger si elle a eu tort de qualifier ainsi toutes les philosophies qui méconnaissent la nécessité de l'intervention positive de Dieu pour le maintien de l'être relatif. Est-ce à dire que toutes nos philosophies modernes pen- sent que Dieu est tout, et que tout est Dieu? Non, certaine- ment ; car jamais philosophies n'ont développé plus savamment la notion de la liberté et de l'imputabilité de l'homme que les philosophies modernes. Or, si l'homme agit de lui-même, comme toutes l'ont reconnu, ce n'est donc pas Dieu qui agit par l'homme, il est donc distinct de Dieu, il y a donc Dieu et l'homme, elDieu n'est donc pas l'homme? Que Dieu soit tout, c'était là le panthéisme des Indiens; jamais ce ne sera celui des peuples occidentaux. La liberté morale s'est trop dévelop- pée chez eux pour qu'ils puissent méconnaître à ce point la causalité humaine. Sous ce rapport, le panthéisme est plus impossible en Europe que l'islamisme lui-même.