Revue du Lyonnais » série 1 - n°22 ( 1845 ) » pp.154

lo'l              MADEMOISELLE DE MAGLAND.
de cette coupe ample et longue qu'adopte l'aristocratie anglaise à
 l'âgeoù elle renonce aux prétentions de la jeunesse, laissait voir une
 profusion de linge d'une finesse et d'une recherche extrême ; ses
 cheveux soigneusement acmodés, selon l'expression de son temps,
 qu'il avait conservée, étaient couverts d'un léger nuage de poudre.
 Un brillant d'un grand prix scintillait dans la dentelle de son jabot ;
 un autre au petit doigt de la main gauche, et une magnifique pierre,
 gravée à ses armes, à celui de la main droite, attiraient les regards
 sur cette partie de sa personne, objet des soins les plus recher-
 chés. La croix de l'ordre de Malte, d'un éclat irréprochable,
 brillait sur sa poitrine. Sa figure possédait cette amabilité d'ex••
 pression dont le type semble avoir disparu avec les vieillards du
 siècle dernier ; et, quoique les années eussent empreint dans les
 rides et sur la couleur de son visage la trace irrécusable de leur
passage, les yeux demi-clos au fond de leur orbite, si creusé qu'il
 fui,conservaient comme une lumière et un arrière reflet de jeunesse.
Les dents étaient demeurées belles, et les commissures du nez et de
 la bouche, s'étaient façonnées de manière à garder, même dans la
gravité, une expression de sourire aujourd'hui bienveillant, sans
doute charmant jadis ; car les vieillards de ce temps se résignent
à tout perdre de la jeunesse, hors la grâce et l'esprit. Il salua
Mme de la Rochemarqué avec toutes les traditions de l'étiquette la
plus scrupuleuse, et cherchant Marie du regard, il alla au devant
d'elle, prit une de ses mains qu'il baisa, puis l'autre ; puis ensuite,
avec une galanterie moitié familière, moitié tendre, que son âge
rendait pleine de grâce, il réunit ces deux charmantes mains dans
une des siennes, et les baisa toutes doux à la fois : — Je n'ai point
oublié, dit-il, qu'il y a aujourd'hui vingt et un ans que ma petite
Marie est venue au monde pour la joie de son grand oncle ; le ciel
a permis qu'il put encore l'en remercier aujourd'hui ; en disant
ces mots, il passa la main qu'il tenait sous son bras, et attirant
Marie vers une fenêtre qu'il ouvrit:—voici mon bouquet, dit-il,
en montrant à Marie, au bas du perron, un bel andaloux fier com-
me le plus glorieux Hidalgo de toutes les Espagnes, l'Å“il en feu,
la bouche écumanie, hennissant avec ardeur, et se cabrant à cha-
que pression du mors sur ses barres frémissantes. Deux domestiques