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196 LOUISE LABÉ.
ceux qui en furent indignes. Quand nous voyons par exemple
Olivier de Magny rechercher toute espèce de faveur, cour-
tiser autant de grandes dames que de grands seigneurs,
dans l'espoir d'atteindre à quelque place ou à quelque riche
aumône, que de raisons n'avons-nous pas d'admirer la Belle
Cordière, elle si noble, si désintéressée, qui ne fit métier ni
de son corps, ni de son esprit, qui exprima les sentiments de
son ame, parce que la poésie était en elle une vocation et une
seconde vertu ! Olivier de Magny se ressentit de la protection
que les Valois accordaient aux lettres. La Belle Cordière n'eut
aucune part aux faveurs de la cour; et le monarque qu'elle
honorait en silence (comme tout bon Lyonnais alors pénétré
de l'amour de son roy), auquel nous voyons, dans des vers Ã
sa louange, qu'elle avait consacré un souvenir dans son jar-
din, Henri II, disons-nous, ignora peut-être le nom de Louise
Labé. Cet oubli n'ôle rien à la couronne poétique de la Belle
Cordière. Magny, au contraire, après avoir fait l'éloge du
parler doré du surintendant des finances, de son seigneur
d'Avanson, se plaignant toujours, toujours maugréant contre
sa destinée, accusant l'infâme pauvreté de son métier d'auteur
et comblé par plus d'une main des faveurs du sort, finit par
mourir secrétaire du monarque.
Il y avait bien à l'époque de Louise Labé des femmes non
moins savantes qui cultivaient les lettres à l'ombre d'un cloî-
tre, mais le monde ne devait rien savoir de leur mérite et de
leur érudition pieuse. La Belle Cordière introduit, au con-
traire, les lettres dans le monde de la dissipation et des plaisirs
futils, et elle sut lui dérober assez de loisirs pour se recom-
mander encore à la postérité.
L'espace nous manquera pour parler longuement du Dé-
bat de Folie et d'Amour. Nous avons dit un mot des élégies en
citant quelques vers de la troisième, plus remarquable et plus
pleine de détails que les deux autres sur la vie de l'auteur.