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LOUISE LABÉ. 191
lesquels l'auteur de don Quichotte est un producteur de se-
cond ordre, qui a écrit un roman grossier et ennuyeux.
Nous avons déjà progressé immensément sur le siècle der-
nier, et Manon l'Escaut par exemple, ou Paul et Virginie,
œuvres beaucoup trop simples, trop peu mêlées d'incidents,
tiendraient ù peine un feuilleton.On nous permettra, sans ré-
cuser l'immense autorité des dramaturges contemporains, de
rester un peu renfermé dans les limites de notre sujet. Sans
chercher à raisonner nos impressions ni à les imposer à qui
que ce soit, nous ajouterons que certaines productions nous
plaisent parce qu'elles tiennent â une certaine ville, à une
époque, à une méthode de composition que nous aimons.
Osons le dire, l'homme qu'un goût tant soit peu épuré, un
désir vague d'imitation des beaux mouvements de la nature
porte à exprimer sa pensée, doit se condamner à un mu-
tisme absolu, et consentir à se réfugier dans l'étude so-
litaire du passé. Mais que de motifs de se consoler de ce sa-
crifice! Il en est surtout des productions d'un siècle reculé,
comme de ces parfums qui viennent de loin et que la nature
a néanmoins élaborés longuement dans les plus chauds cli-
mats. Un atome suffit pour embaumer longtemps toute une
atmosphère de délicieuses émanations.
Louise Labô ne doit pas être isolée de son siècle ; mais, si
nous la voyons répandue en Italie et à la cour de France,
immobile dans son élégante sphère, mais participant à ce
mouvement qui s'opérait de la capitale du royaume de
France à celle du monde chrétien ; et, au duché de Milan,
dans le cours des guerres d'Italie, nous verrons qu'elle a dû
participer des deux civilisations et de toute la célébrité des
personnages qui y concoururent. Nous verrons de quelle nature
pouvaient être ses rapports en quelques vers adressés à un
ami au-delà des Alpes, — ce sera l'objet d'un nouveau rap-
prochement ; — c'est un peu de jalousie qui dicte ces vers.
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