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                              LOUISE LABÉ.                               189

dide, il s'ouvre pour tout le monde et pour un petit nombre
 d'amis intimes; catholiques et huguenots se rencontrent vo-
 lontiers sur ce terrain neutre, mais nullement déplaisant. La
 maîtresse de maison en fait les honneurs avec une grâce
 charmante. Notez qu'aucune femme aussi riche, aussi bien
posée dans le monde, n'a jamais osé faire appel à tant d'in-
vités, grouper autour de son nom et de sa personne tant de
sympathies, des éléments si contraires et si opposés. La Belle
Cordière est plus sociable que sa ville, que son siècle et que
sa religion qu'elle conserve cependant, en dépit de tout et
de tous.
    Elle y tint le sceptre de l'esprit et de la causerie, comme
Marion de l'Orme (1) à la place Royale. Mais Marion de l'Orme
finit par faire de l'espionnage politique au profit du cardinal
de Richelieu qui avait assez mal payé ses charmes. Il n'y a
donc aucune espèce d'analogie à établir entre notre héroïne
et la maîtresse des brillants seigneurs de la cour de Louis XIII.
La Belle Cordière lui est, certes, bien supérieure par l'esprit,
la morale, cette haute intelligence poétique qui recommande
la Sappho lyonnaise à la postérité. Ce fut UH rare bonheur et
une preuve singulière de la justesse de son esprit d'avoir su
s'enfermer dans le cercle modeste et précieux de la vie de
province. Là, elle put se nourrir des belles études de l'an-
tiquité et les faire revivre sous sa plume, avec le moyen-
âge lui même, avec la teinte chevaleresque des héros qu'elle
avait produits.
    Louise Labé marche en tête de celte pléiade de femmes
auteurs qui eurent pour muse inspiratrice la plus haute ex-
pression du sentiment féminin, le jet vigoureux d'une ame
aimante et sympathique. Elle ouvre son siècle et elle le de-

  (i) Cette orthographe est celle de Tallemant des Reaux qui avait sans doute
des raisons pour croire que Marion de l'Orme fut de bonne souche.