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LOUISE LABÉ. 185 partagée entre le petit nombre d'amateurs éclairés qui en ont fait les frais en 1824, la Belle Cordière se présente sous le patronage des noms les plus importants de Lyon ; et cette protection accordée à une femme qui en était digne par ses écrits et sa renommée, n'honore pas moins celle qui l'a reçue que ceux qui l'ont généreusement accordée. S'il nous est permis de dire aussi pourquoi nous insistons sur ce nom reconnu, contrôlé, heureusement apprécié a u - jourd'hui à un titre plus légitime que par le passé, nous ajouterons que Louise Labé a joui longtemps, même à Lyon, parmi le peuple au moins, d'une renommée douteuse ; elle a appartenu à un type un peu suspect de la femme poète. Ce type, heureusement, n'était pas le sien. Mais, à cette époque où la poésie n'était qu'un germe, où !e génie de la femme jetait seulement ses premiers rayons, où la controverse n ' é - tait établie sur aucun point du rôle assigné dans les sociétés modernes à la femme qui s'aventure a s'en constituer l'ex- pression, il suffisait d'un méprisable et ignorant folliculaire pour ternir après coup le blason d'une muse modeste. Ce malheur devait arriver à Louise Labé, qu'un compilateur sans science et sans esprit, du Verdier deVauprivas, ravale au rang des courtisanes, dix ans après la mort de cette femme que ses contemporains avaient illustrée. Cette opinion, que son auteur ne s'est pas donné la peine d'établir sur des faits, n'a laissé aujourd'hui de traces nulle part ; mais c'est e n - core trop qu'elle ait pu être émise par un gentilhomme or- dinaire de la chambre du roi, qui, de son vivant, fit beau- coup de livres que personne ne consulte aujourd'hui. On peut, en effet, avoir beaucoup écrit et se montrer très peu scrupu- leux comme historien ; on peut être gentilhomme, et ne rien entendre à la noblesse du cœur. L'émancipation intellectuelle de la femme date seulement de quelques années. Un droit que les femmes ont conquis,