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A BOUBGOIN. 35 ame, les contrariétés, l'incertitude du départ, la crainte de s'exposer de rechef aux sarcasmes, h la vengeance de ses ennemis, ramenaient dans son esprit toutes les noires pensées qui le tourmentaient à Bourgoin ; elles l'accablèrent, plus sombres, plus cruelles que jamais. Cependant, la nécessité le pressait, il se mit en devoir de vendre cette collection déplan- tes qui lui avait coûté tant de peines, sa bibliothèque spéciale de botanique. Avec cet argent, il avait à payer la pension accordée par lui, depuis trois années, < Mme Gonceru, née > Rousseau, sa tante; malgré sa misère, il s'acquittait toujours d'avance; il devait, d'autre part, faire face à ses dépenses, à ses besoins domestiques. Dans celte position précaire, il lui arrivait encore de temps en temps d'oublier tous ses embarras, toutes ses inquiétudes,et, sesforces le permettant, il essayait de percer la neige, il bravait les frimats pour rechercher les lichens, récoller les mousses des bois d'alentour. Dans ses heures de solitude, il trouvait pour sa correspondance, pour les lettres, une activité plus grande. Il communiqua son prochain départ h toutes ses connais- sances, j'allais dire à tous ses amis, il leur fit savoir et même il annonça publiquement qu'il reprenait son nom de famille, celui de Rousseau; il composa plusieurs épîtres, plusieurs dis- sertations philosophiques pour le poète du Belloy, pour M. de Saint-Germain, pour une jeune dame qui lui demandait des conseils. Toutes ces pièces sont très curieuses; il revient, dans quelques-unes, sur sa vie toute entière, examinant, scrutant le passé; il juge sa propre conduite, ses principes, aussi bien que les actions, que les pensées de la plupart des personnages illustres avec lesquels il a vécu. Ces pages, empreintes parfois d'un sentiment de rancune et de haine contre les hom- mes en général, contre les grands, contre les Encyclopédistes en particulier, sont, en quelque sorte une suite aux Confes- sions : sans doute, on ne peut admettre comme justes, comme