page suivante »
10 SÉJOUR DE J.-.T. ROUSSEAU dire assez qu'elle l'affligea profondément. C'est au milieu de cette triste polémique, au milieu de ces craintes absurdes, de ces chagrins cuisants, quoique imaginaires, qu'il passait sa vie, qu'il usait son intelligence, lorsque Thérèse Levasseur, qu'il avait mandée, qui seule pouvait le consoler, arriva à Bourgoin, au mois d'août 1768. Elle s'établit avec lui à l'au- berge de la Fontaine d'Or. Une petite chambre, ne contenant qu'un seul lit, choisie de la sorte pour diminuer les frais du loyer, meublée de quatre chaises, d'une table a tiroir qui servait de bureau et de pupitre, garnie d'unecheminée sur laquelle étaient iixés une glace elun trumeau, fut le réduitdans lequel ils s'installèrent touslesdeux. Leurs ressources pécuniaires étaient si limitées à celte époque critique, que Rousseau, répondant à M. de Clermont-Tonnerre, qui le pressait de revenir à Grenoble pour confondre Theve- nin, s'exprimait ainsi: « Je persiste dans la résolution de ne point retourner dans les lieux où cette histoire a été fabri- quée, jusqu'à ce qu'elle soit bien éclaircie, pour ôter aux fa- bricateurs, quels qu'ils soient, la fantaisie d'en forger de re- chef de semblables; je trouve ici un logement trop cher, à la vérité, pour pouvoir le garder longtemps; mais, où j'aurai le temps d'en chercher un plus à ma portée, où je puisse me croire à l'abri des imposteurs. Je n'y suis pas moins sous votre protection qu'à Grenoble, et si le mensonge et la calomnie m'y poursuivent, j'éviterai du moins le désavantage d'être précisément à leur foyer.» Sa position si déplorable à tous égards, sur laquelle il s'ef- forçait parfois de s'étourdir, lui fit accomplir alors un dessein dont il avait depuis longtemps formé le projet; ce fut pour faire diversion à ses ennuis qu'il l'exécuta. Sous le nom de Renou qu'il avait adopté, ainsi qu'on l'a vu plus haut, il épousa, à Bourgoin, la compagne de ses infortunes. « Voyant qu'à tout prix elle voulait suivre ma destinée, — écrivait-il Ã