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  Après que nous eûmes admiré à notre aise la magnifique
vue dont on jouit du sommet de Primrose-Hill, nous nous dis-
posâmes à rentrer à Londres. Taylor nous proposa de com-
pléter les plaisirs de cette journée en allant passer noire soi-
rée au théâtre. Nous acceptâmes avec empressement cette
agréable proposition.
    Notre voilure nous conduisit donc à Drury-Lane. On devait
représenter Hamlet et la salle était presqu'entièrement garnie.
    Avant que le spectacle commençât, et pour occuper nos
moments d'attente, je demandai à Taylor ce qu'il pensait de
l'état actuel de l'art dramatique en France.
    — Il faut que vous sachiez, répondit mon révérend ami,
qu'il y a eu en France deux écoles dramatiques biendislincles
et toutes deux remarquables par le talent des auteurs qui les
ont illustré. L'une est désignée sous le litre d'école classique,
l'autre sous celui d'école romantique. La première fondée par
 Corneille, Racine et Molière, suivait les errements des auteurs
 anciens. Elle donnait des leçons de morale et fustigeait le
 vice; mais son mérite était gâté par un caractère général de
 pédanterie, de dignité guindée, et aussi, disons-le, par des fa-
 céties de bas étage voisines de la trivialité. La seconde, intro-
 nisée par Victor Hugo et Alexandre Dumas, et appuyée par
 l'aveugle engouaient de la mode, a suivi une roule toute con-
 traire: visant, du moins en apparence, au seul but d'exciter de
 vives et même de violentes sensations dans l'âme des specta-
 teurs, cette école a employé tous les moyens qu'elle a cru ca-
 pables de la conduire au résultat qu'elle désirait, sans exami-
  ner si ces moyens étaient bons ou mauvais. 11 est arrivé de là
 qu'une fois engagée dans cette fausse route, l'école romanti-
 que, entraînée sur une pente rapide, est descendue d'exagé-
 ration en exagération jusqu'à l'immoralité et à la démorali-
  sation, et qu'elle a perverti le goût des Français, si même elle
  n'a pas eu le funeste pouvoir de pervertir leurs cœurs.
   — Est-il possible que vous disiez la vérité, m'écriai-je éton-
 né ! Quoi, ce théâtre français si van té, aurai l-il autant dégénéré?