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CHA11LKS. 453 Georges, inquiet, se rendit au domicile de Charles pour en apprendre quelques nouvelles. — Hélas ! lui dit le vieux père du malheureux artiste, il est là , dans la pièce a côté ; voilà quinze jours qu'il s'obstine à n'en pas sortir; même on ne peut pas faire son lit, car il n'en bouge pas. — Quoi ! dit Georges, serait-il malade? Permettez-moi d'entrer.— C'est inutile, monsieur, il ne veut voir personne; son agitation est extrême, et ce n'est pas surprenant, il ne dort ni jour ni nuit.—Et comment passe-l-il son temps? — Il s'est mis à lire des livres qui se sont trouvés sous sa main. Tantôt, se parlant à lui- même, il en discute violemment les passages qui le choquent; tantôt il se lève pour parcourir sa chambre en furieux. Nous l'entendons frapper sur les meubles et proférer de terribles imprécations contre ses ennemis, et, Dieu lui pardonne, contre moi, son père. D'autres fois, il essaie sa flûte et se met à jouer des airs qu'il prend je ne sais où, mais qui ne sont jamais les mêmes, et si tristes, si tristes, que sa sœur et moi fondons en larmes ; après quoi il s'abandonne pendant des heures entières à des sanglots qui achèvent de nous fendre le cœur. Ah! monsieur, que le pauvre garçon est à plaindre ! D'où peut donc lui venir un malheur si grand? Georges pouvait à peine s'empêcher de pleurer. M. Charles, reprit-il, la porte ferme-t-elle du côté de votre fils? —Non, mon- sieur, heureusement. — Alors, veuillez m'ouvrir, je désire lui parler. — Ah ! monsieur, gardez-vous-en bien ! Le mal- heureux est armé d'un énorme couteau qui ne le quitte jamais et dont il nous menace aussitôt que nous voulons ouvrir sa porte. L'autre jour, il a failli tuer sa sœur, et ce n'est qu'avec des précautions infinies que l'on parvient à lui faire passer des vivres. Puisse le ciel avoir pitié de nous et de lui! —N'importe! répliqua Georges en insistant, je ne m'en irai pas sans l'avoir vu. — Du moins, attendez un peu, dit le vieillard désolé, depuis quelques moments nous ne