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378 DE L'HOMME certain aussi que les chefs des premiers peuples, quoique plus habiles que les hordes farouches qu'ils avaient à conduire, n'en étaient pas moins des êtres encore très grossiers, très passionnés, très violents, et les lois qu'ils essayèrent d'établir pour appuyer l'autorité de leur commandement, pour assurer le salut d'une société toute égoïste, témoignèrent bien plus de la barbarie des législateurs qu'elles n'attestèrent la rudesse et la brutalité des hommes qu'il s'agissait de contraindre à l'obéissance. En effet, si l'on jette les yeux sur les premières ordonnan- ces légales, dont l'histoire nous a conservé le souvenir, on voit qu'elles sont toutes de la plus effrayante sévérité. La mort et l'esclavage étaient les seules peines qu'elles pronon- çassent, elles n'admettaient aucune différence entre la fai- blesse et la méchanceté, toutes les infractions, même les plus légères, se payaient de la privation de la liberté ou de celle de la vie. Sans parler ici des lois de Moïse, qui, presque toutes, menacent du dernier supplice, on sait ce qui a été dit de celles de Dracon, ce fameux législateur des Athéniens, à qui l'on reprochait d'avoir écrit son code avec du sang. Qu'on ouvre les lois romaines, on y verra les châtiments poussés jusqu'à la dernière cruauté. Les antiquités de tous les peuples de la terre présentent le même spectacle, et l'on peut af- firmer que les législateurs de ces peuples s'occupèrent bien moins d'éclairer les hommes que de les frapper d'épouvante. « Alors, dit le célèbre avocat Linguet (1), la justice s'éleva (i) Simon-Nicolas-Henri Linguet, né à Pteims en 1736, fut un homme fort bizarre. Après avoir écrit des volumes contre la secte des philosophes et celle des économistes, il prit fait et cause, en 1790, pour Vander Noot et les ré- volutionnaires du Brabant contre l'empereur d'Allemagne, et il défendit, en 1791, à la barre de l'Assemblée constituante, la cause des noirs contre les blancs. Arrêté à Paris pendant la Terreur, et traduit au tribunal révolu-