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                         GRAND-THÉATRE.




                              LES MARTYRS.



   Après le double échec de Nizza de Grenade et de Robert d'Evereux, la mu-
sique de Donizetti vient de se relever sur notre théâtre, sinon par un triomphe
bien éclatant, au moins par an succès d'estime, peut-être aussi succès de curio-
sité , et dont le musicien et le poète n'ont pas la plus grande part à revendi-
quer. Pour faire à chacun celle qui lui revient, parlons d'abord des Martyrs
comme libretto. Le nom de M. Scribe pouvait nous faire espérer un drame ha-
bilement agencé pour le compositeur, et un intérêt soutenu avec adresse, à
défaut d'une bien grande vérité de situations et de sentiments; par malheur,
M. Scribe n'a fait cette fois que traduire, on s'en aperçoit de suite à la char-
pente lourde et embarrassée de la pièce ; le style seul est de lui, on ne pour-
rait pas non plus s'y méprendre. Or, le style de M; Scribe avec une charpente
italienne, c'est tout ce qu'il faut pour avoir un livret au-dessous du médiocre
comme composition dramatique et littéraire. M. Scribe, avec sa profonde expé-
rience du théâtre, aurait vite compris, lui, que si une tragédie lyrique des Mar-
tyrs présentait les éléments de grandes beautés musicales, ce n'est pas dans le
Polyeucte de Corneille que le sujet du drame devait être pris ; pour faire de
Pauline et de Sévère des personnages musicaux, il fallait changer totalement
leur caractère, et par conséquent toutes les données sur lesquelles reposent
les situations. C'est ce qu'a fait l'auteur du livret; il a voulu néanmoins con-
server les situations, il est devenu impossible de définir Pauline et Sévère
dans l'opéra. Dans Polyeucte, Pauline lutte contre l'amour avec le senti-
ment du devoir ; dans les Martyrs, on la voit livrée à deux amours à la
fois et passant avec exaltation de l'un à l'autre dans l'intervalle d'une ca-
valine. Un tel personnage est assurément peu propre à exciter l'intérêt.